Le jazz français, lui aussi, existe de mieux en mieux. Le jazz en France également, puisque l'été a compté 51 festivals, qui ont réservé quelques surprises (Buddy Collette, Charlie Haden Quartet West, Gery Mulligan, etc.). Les rééditions des pionniers, les hommages rendus aux leaders, les honneurs (Miles Davis docteur honoris causa de l'université Paris-X), les grands retours (Linda Hopkins, Eddy Louiss, Archie Stepp) n'ont donc pas éclipsé ceux qui savent dépasser l'ère des robots (Wayne Shorter, Pat Metheny, Mac Laughlin, Bobby Rangell, Al di Méola).

Catherine Michaud-Pradeilles

Cinéma

L'année 1988 aura été celle où contradictions et mutations se sont croisées avec le plus d'allégresse. Le paysage économique, artistique, géo-culturel a été profondément bouleversé et, pourtant, l'observateur attentif a comme l'impression que rien n'a bougé en profondeur.

La crise de la fréquentation des salles, entrée dans une phase aiguë en 1987, a atteint un dangereux plancher à la fin du premier semestre de cette année. Et puis – miracle ! – deux films ont redressé vertigineusement la barre en atteignant des scores inusités dans le ciel pâle de notre box-office : Qui veut la peau de Roger Rabbit, de Robert Zemeckis, et l'Ours, de Jean-Jacques Annaud. Reste tout de même à savoir si cette flambée pourra rallumer la machine de l'exploitation.

À première vue, le succès de ces films prouve que le public a de plus en plus soif de purs spectacles. Si le film de Zemeckis – une prouesse technique remarquable où personnages réels et figurines dessinées et animées possèdent un même statut de crédibilité – développe une parabole antiraciste habile, l'Ours, avec la meilleure volonté du monde, ne demeure qu'une bande animalière pour écoliers. Faut-il en conclure que nos contemporains sont retombés en enfance ? Que la démission intellectuelle– est partout de mise ? Ce n'est qu'en partie vrai. Des noyaux de résistance existent tant chez les cinéastes que chez les critiques ou chez les spectateurs.

De nombreux metteurs en scène ont montré à l'écran un phénomène qui touche surtout les hommes : la peur de la sexualité face à une partenaire trop jeune (36 fillette, de Catherine Breillat), trop cultivée (l'Étudiante, de Claude Pinoteau) ou trop « libérée » (la Travestie, d'Yves Boisset), qui effrite la virilité du héros mâle. La mère castratrice a fait une apparition cocasse dans Balance maman hors du train, de Danny De Vito (États-Unis).

Il y a donc un malaise qui dépasse la sphère cinématographique. Des distributeurs réagissent en essayant d'élargir l'horizon de leurs compatriotes. Si la diffusion de films américains est devenue majoritaire sur le territoire français, l'éventail géographique des films proposés s'est élargi à la Grande-Bretagne et à l'URSS, mais aussi à l'Espagne et, plus récemment, au Danemark (à la suite de la palme d'or cannoise attribuée à Pelle le conquérant, de Bille August) et à la Finlande.

Examinons, d'abord, le cas des « pays leaders » dans le domaine l'Angleterre et l'Union soviétique. Le premier a droit, depuis le mois de janvier 1988 et jusqu'en février 1989 à une gigantesque rétrospective, en 400 films, des origines à nos jours, à la Cinémathèque française. Le second envoie ses fameuses « œuvres libérées » dans presque tous les festivals. Cette sensibilisation est suivie de sorties en salles. Ainsi, pour nos proches voisins, nous avons eu : Sammy and Rosie Get Laid, de Stephen Frears ; Distant Voices, Still Lives, de Terence Davies ; Drowning by Numbers de Peter Greenaway ; Raggedy, de Bob Hoskins..., pendant que les Soviétiques nous gratifiaient de Robinsonade, de Nana Djordjadzé (caméra d'or de la première œuvre au festival de Cannes 1987) ; de Brèves Rencontres et des Longs Adieux (1971), deux films « dégelés » de Kira Mouratova ; de la Commissaire, d'Alexandre Askoldov (1967) ; de Achik Kerib, de Sergueï Paradjanov (1988)... , le tout étant « légitimé », en cette fin d'année, par une colossale rétrospective du cinéma géorgien (cent pièces de 1912 à 1988) à la salle Garance du centre Georges-Pompidou.