Les stocks des produits de base (céréales, produits laitiers), ont augmenté à un point tel que les grands pays agricoles industrialisés, principalement les États-Unis et les membres de la CEE, ont pris de nouvelles dispositions visant à diminuer tout à la fois la production et les prix garantis aux agriculteurs. Aux États-Unis, la loi agricole applicable pendant la campagne 1986-1987 prévoit des niveaux de soutien des prix considérablement réduits par rapport à ceux de la campagne 1985-1986. Elle comporte en outre des mesures pour la mise en repos de 20 à 30 p. 100 des terres céréalières. Des subventions seront accordées pour éviter l'approfondissement excessif d'une crise sociale commencée avec les difficultés financières de beaucoup de farmers au cours de ces dernières années. Quant à la CEE, elle a gelé les prix de soutien de la plupart des productions pour la campagne 1986-1987 et maintenu le système des quotas laitiers instauré en 1984.

Sur des marchés pléthoriques, les États-Unis et la CEE ont continué en 1986 une bataille sans merci à coups de subventions, ce que déplorent les pays exportateurs qui ne subventionnent pas leurs produits (Australie, Argentine entre autres).

Face à une offre que les grands pays agricoles parviennent très difficilement à juguler, la demande solvable stagne. D'abord, dans ces mêmes pays et dans les autres pays industrialisés occidentaux, où les besoins alimentaires sont, globalement, très largement satisfaits, mais aussi dans ceux qui s'étaient révélés des clients empressés au cours des années 1970. Chez ces derniers, de nombreux facteurs expliquent la stagnation : la progression de l'endettement, (Nigeria, Mexique), la baisse de la rente pétrolière (Algérie, Venezuela), le cours du dollar, maintenant moins excessif, le succès de certaines politiques d'autosuffisance (Inde, Chine), l'amélioration des récoltes en URSS, habituellement grosse importatrice de céréales pour son élevage (1986 a été annoncée comme l'une des meilleures années céréalières).

En France, de très nombreux mécontentements sectoriels ont reflété un malaise général : opposition des producteurs de lait bretons à la politique des quotas, manifestations des éleveurs de moutons contre la chute des cours provoquée par le bas prix des agneaux britanniques, plainte des producteurs de maïs contre les avantages donnés aux États-Unis pour approvisionner le marché espagnol. Enfin, un nouvel été de sécheresse, après celui de 1985, a aggravé la situation des agriculteurs du Centre et du Sud-Ouest.

Aux difficultés des exploitants agricoles des pays développés, victimes des excédents, fait écho la malnutrition des populations du tiers monde. Globalement, la production a augmenté depuis une dizaine d'années à un rythme plus rapide dans les pays en voie de développement que dans les pays développés, mais c'est vrai aussi de la population, c'est pourquoi l'alimentation des pays pauvres ne s'est pas améliorée partout. Dans certains d'entre eux, en Afrique notamment, la situation reste extraordinairement précaire comme le montre l'influence des catastrophes naturelles (sécheresse, invasions de sauterelles, etc.).

Dans son rapport de 1986 sur le développement dans le monde, la Banque mondiale propose le libre-échange agricole comme remède. Mais est-il possible de parvenir à un minimum de sécurité alimentaire sans protection des paysans dans les économies du tiers monde ? Le vent du libre-échangisme qui souffle sur la planète pourra-t-il résoudre ce paradoxe irritant d'excédents agricoles ne trouvant pas preneur dans les pays riches face à une demande alimentaire insolvable dans les pays pauvres ?

Bernard Roux

Industrie

La tendance à l'affaiblissement de l'industrie manufacturière, qui s'était révélée sous l'empire des chocs pétroliers, semble s'être renversée en 1986. Dans une très large mesure, ce changement peut être attribué à une mutation technologique fondée sur la mise en œuvre de la filière électronique et sur le relais pris, dans un proche avenir, par le développement des bio-industries. Cette mutation a contribué au renouvellement des modèles du développement industriel. On cherche à économiser davantage l'énergie et les matières premières ; les thèses d'épuisement des ressources naturelles en longue période sont ainsi rendues caduques.