De même, le dollar, depuis l'accord de septembre 1985, a perdu 55 p. 100 de sa valeur par rapport au yen et 30 p. 100 par rapport au mark allemand. La spéculation sur la monnaie allemande perturbe à son tour le fonctionnement du Système monétaire européen, déjà soumis à un réaménagement en avril 1986.

Enfin, les variations perpétuelles des taux d'intérêts risquent d'amoindrir les bienfaits attendus de leur baisse amorcée depuis 1982.

En matière de déséquilibres, les écarts se creusent. Les déséquilibres économiques sont de plus en plus flagrants. Ainsi, la surproduction se généralise pour un grand nombre de produits face à une demande solvable stagnante, les stocks s'accumulent, les prix baissent, la concurrence entre les producteurs s'accentue. Le marché du blé, analysé par Gilbert Rullière, est représentatif de ce mouvement. À l'inverse, de nombreux pays sont confrontés à la faiblesse de leur appareil productif, incapable de répondre aux accroissements de la demande tant intérieure qu'extérieure, et qui reflète leur manque de compétitivité. Cette situation provoque à son tour des déséquilibres extérieurs avec le décalage entre le déficit croissant des États-Unis, en dépit de la baisse du dollar, et les excédents également à la hausse en Allemagne fédérale et au Japon.

Les déséquilibres financiers s'accentuent aussi. Les déficits budgétaires dépassent les prévisions, en particulier celui des États-Unis, malgré la loi Gramm-Rudman qui, outre une réforme fiscale, impose le retour sur cinq ans à l'équilibre budgétaire. À l'impressionnante dette intérieure américaine s'ajoute son endettement extérieur qui devient alarmant puisque le pays est devenu, pour la première fois en 1985, débiteur net par rapport au reste du monde et particulièrement du Japon passé, à l'inverse, premier créancier du monde.

Enfin, plus dangereux encore, s'avère le déséquilibre entre la sphère financière et la sphère réelle. Partie des États-Unis, la « révolution financière » (internationalisation, innovations financières, déréglementation et désintermédiation) se propage, comme le montre le « Big Bang » de la City de Londres, à la fin d'octobre 1986 ; elle provoque, certes, l'envolée des cours de la Bourse, mais a tendance à privilégier les activités purement spéculatives au détriment des activités productives. La situation économique n'est pas des meilleures, au regard de la faible croissance, de la montée du chômage et de l'insuffisance des investissements et des débouchés.

Les trois tendances dominantes

Il semblerait que les désordres monétaires et financiers soient au contraire indissociables de l'aggravation de la crise. Car, finalement, le bilan, après bientôt quinze années de crise, est encore lourd au regard des trois tendances dominantes que sont la désinflation, certes atout positif mais fragile, le développement du chômage dans les pays développés et l'endettement croissant du tiers monde.

La désinflation

Les politiques monétaires et budgétaires restrictives, conjuguées à un environnement de plus en plus favorable (faiblesse des revendications salariales liées au chômage, désinflation importée grâce à la baisse des prix des matières premières, du pétrole puis du dollar) ont permis aux économies occidentales d'amorcer un ralentissement de la hausse des prix, qui n'est plus que de 2,5 p. 100 en 1986, même si les succès demeurent inégaux.

Mais si la désinflation a des effets bénéfiques, notamment en permettant une reprise sur des bases saines, elle est un atout fragile dans la mesure où elle pénalise les agents endettés et freine l'incitation à investir tant que la baisse des taux d'intérêts nominaux n'a pas atteint l'ampleur du ralentissement de la hausse des prix. Or, on ne sait encore si la désinflation va se poursuivre, avec le risque de dégénérer en déflation, ou si, au contraire, les forces inflationnistes vont se réveiller. L'article d'Alain Bienaymé, pose l'ensemble du problème, fait le point de la situation, recherche ses causes et ouvre les perspectives possibles ou probables en matière de désinflation.