Aux États-Unis, Jerome Karle et Herbert Hauptmann viennent de recevoir le prix Nobel de chimie pour avoir trouvé la solution d'un autre problème de géométrie : pour connaître la structure d'une substance, le moyen le plus efficace consiste à la radiographier avec un faisceau de rayons X. En traversant les différentes couches d'atomes, certains rayons sont interceptés, d'autres simplement déviés. Recueillis sur une plaque photographique, ils donnent une image de la structure sous forme d'un ensemble de taches plus ou moins brillantes et régulièrement réparties. Le jeu consistant à reconstituer la géométrie de la molécule à partir de cette image était jusque-là quasi impossible. Avec des méthodes statistiques... et de gros moyens de calcul, Hauptmann et Karle réussissent – dans 9 cas sur 10 – à trouver la solution du puzzle ; ils ont déjà déterminé les structures de plusieurs milliers de molécules.

Nicolas Witkowski

Astronomie

A-t-on découvert la première planète extérieure au système solaire ? La nouvelle, annoncée par la presse en décembre 1984, a fait sensation. Mais l'astre mis en évidence autour de l'étoile Van Biesbroek 8, dans la constellation d'Ophiucus, à 21 années-lumière de distance, par D.W. McCarthy et F.J. Low, de l'université d'Arizona, et R.G. Probst, de l'Observatoire national américain d'astronomie optique, semble être plutôt une « naine noire », c'est-à-dire une étoile avortée, de masse inférieure à la masse critique permettant l'allumage, au centre, de réactions thermonucléaires. Sa masse, qui représente 30 à 40 fois celle de Jupiter, son rayon, qui n'excède pas les 9/100 de celui du Soleil, et sa température, voisine de 1 100 °C, en font véritablement un astre intermédiaire entre une étoile et une planète.

Cette découverte illustre le rôle fondamental que jouent encore, à l'ère des satellites, les télescopes au sol, pour la connaissance de l'univers lointain. Aussi les spécialistes fondent-ils de grands espoirs sur le nouvel observatoire de La Palma, aux îles Canaries, fruit d'une coopération entre six pays européens.

Mais l'année reste surtout marquée par l'exceptionnelle mobilisation suscitée par le retour de la comète de Halley. Après le départ, fin 1984, de deux sondes soviétiques Véga, vers la planète Vénus (qu'elles atteignent en juin) et la comète, trois autres sondes sont, à leur tour, lancées à la rencontre de Halley : les japonaises Sakigake (« Pionnier »), le 8 janvier, et Suisei (« Comète »), le 14 août, et l'européenne Giotto, le 2 juillet, qui doit s'approcher à moins de 500 km du noyau de la comète. Absents, pour des raisons budgétaires, de cette course vers Halley, les Américains réussissent cependant une première avec le passage de leur véhicule spatial ICE (International Cometary Explorer), le 11 septembre, à 8 000 km environ du noyau de la comète Giacobini-Zinner. Cette rencontre révèle que la queue de gaz de la comète est beaucoup plus large qu'on ne le pensait (22 000 km au lieu de 4 500) et qu'il n'existe pas d'onde de choc dans la zone de contact entre le vent solaire et la comète.

Philippe de la Cotardière

Surprenante physique quantique

Découvert en 1879 par le physicien américain Edwin Hall, l'« effet Hall » semblait avoir livré tous ses secrets. Couramment utilisé dans les machines à écrire électroniques et l'allumage des voitures, il se traduit par l'apparition d'une tension entre les faces d'un matériau conducteur soumis à un champ magnétique. Un effet électromagnétique comme les autres ? Pas tout à fait... Car, à très basse température (– 270 °C) et dans un champ magnétique intense, la tension de Hall se quantifie, passant d'une valeur à la suivante, sans transition. L'explication quantique du phénomène a valu le prix Nobel 1985 au chercheur allemand Klaus von Klitzing, et au vieil effet Hall un regain d'intérêt. Voilà qu'il rejoint l'effet laser et la « supraconductivité » dans l'univers étrange de la physique quantique !

Le comportement quantique des électrons dans l'effet Hall se retrouve chez les photons dans une spectaculaire expérience réalisée au mois de mars à l'Institut d'optique d'Orsay. Comme les électrons, les photons ne sont en effet ni des ondes ni des particules, mais les deux à la fois. Au prix d'incroyables raffinements expérimentaux, Philippe Grangier et Alain Aspect ont mis en évidence ce double jeu : leur dispositif dissocie une molécule constituée de deux atomes de calcium et observe le comportement de chacun des atomes. Selon la plus élémentaire logique, l'un des atomes doit absorber un photon, puis le réémettre. Le photon est effectivement émis, mais il ne provient pas d'un des atomes. L'expérience montre clairement qu'il est émis simultanément par les deux atomes ! Illogique ? Inconcevable ?... Tout simplement quantique.