Il faut enfin souligner que reconnaître l'importance actuelle du rôle des entreprises et la nécessité de leur accorder plus d'autonomie de décision n'implique pas, pour tous, la croyance aux vertus de la concurrence « sauvage ». C'est simplement penser qu'il faut plus de transparence et plus de décentralisation dans le processus économique. C'est aussi estimer que l'existence d'entreprises indépendantes et responsables doit permettre d'apporter des solutions à certains des problèmes qui se posent actuellement.

Le renouveau de l'entreprise est un phénomène qui touche l'ensemble des nations occidentales. Il concerne non seulement la seule sphère économique, mais aussi la société tout entière. Il convient donc de dégager les raisons de son apparition généralisée et les principales conséquences qui en découlent, et de replacer la France dans cette évolution. Il faut aussi préciser les formes qu'il prend dans notre pays, ainsi que les transformations économiques et sociales qu'il annonce.

La contestation de l'État providence

Globalement, le renouveau de l'entreprise procède d'une remise en cause de l'État providence. Il est généralement admis qu'il est nécessaire d'accorder plus de liberté et donc un rôle accru à l'entreprise. L'acceptation de cette évolution a pour origine une transformation profonde de la situation économique dans des pays industrialisés. Elle traduit la prise de conscience de la fin d'une période de croissance rapide et relativement régulière, et de l'entrée dans une ère de croissance ralentie, voire de stagnation. Ce constat a entraîné, dans les faits, des conséquences différentes selon les pays concernés. Certains aspects du libéralisme à l'américaine peuvent apparaître excessifs à un observateur français, et les tentatives de réforme de l'entreprise annoncées dans les pays de l'Est semblent bien timides. Mais, dans tous les cas, la tendance est à une modification des comportements dans la sphère économique et à une redistribution des pouvoirs dans la société.

La période de croissance rapide qui a suivi la Seconde Guerre mondiale a succédé à des années de crises économiques et de conflits militaires. Elle a permis de satisfaire – au moins partiellement – deux aspirations profondes, et souvent liées des individus : elle leur a donné plus de protection et plus de stabilité. Le moyen utilisé pour atteindre ce résultat a été l'intervention des pouvoirs publics dans la vie économique et sociale. La législation a réglementé de manière de plus en plus précise les comportements. Les politiques économiques et fiscales ont encadré le déroulement du processus économique.

Les coûts de cette évolution ont été loin d'être négligeables. La liberté de décision et d'action des entreprises a été considérablement réduite. L'application des mesures politiques a aussi demandé des ressources considérables. Mais, aussi longtemps que le rythme de croissance est resté élevé, l'opinion dominante soutenait que les avantages issus de ces choix de société l'emportaient largement sur leurs inconvénients.

Les moyens employés par l'État pour atteindre ses objectifs de protection individuelle et de stabilité peuvent être regroupés en deux grandes catégories. Il y a d'abord les transferts de ressources. La fiscalité et la parafiscalité, ainsi que les politiques de subvention en sont les exemples les plus évidents. Mais les politiques tarifaires, imposées par voie réglementaire, en sont aussi une illustration. Moins apparentes, mais tout aussi importantes, sont les actions indirectes qui imposent des contraintes aux entreprises. On trouve, dans cette seconde catégorie, tout un ensemble de mesures qui relèvent en fait de philosophies différentes. Très schématiquement, on peut distinguer les règles destinées à garantir la sécurité de la collectivité et celles qui contribuent à protéger tel ou tel groupe particulier. Certaines lois sociales, qui favorisent les salariés ou les organisations syndicales au détriment de la clientèle ou des usagers, en constituent un exemple. Si l'avantage de ces dernières mesures est facile à identifier, leur coût, par nature diffus, est difficile à évaluer.