Gilbert Rullière

Grands travaux

Au siècle dernier, de grands travaux mettant en œuvre des moyens techniques et financiers considérables ont été entrepris : creusement de tunnels de chemin de fer, des canaux maritimes (Suez, Panamá), construction de stades sportifs colossaux et de barrages géants, de voies ferrées transcontinentales. À l'époque actuelle, d'aussi gigantesques chantiers ont été ouverts, caractérisés par des dimensions hors du commun, par l'importance des capitaux engagés, par le défi technique et par l'intervention d'entreprises étrangères faisant appel à des technologies avancées.

Pour certains d'entre eux, le promoteur de l'opération veut attacher à son nom le prestige d'une réussite extraordinaire dans la maîtrise d'éléments naturels hostiles. Par exemple, Khadafi a voulu fertiliser plusieurs milliers d'hectares du désert libyen par la création d'un lac artificiel et d'un réseau d'irrigation en puisant l'eau d'une nappe phréatique fossile.

Pour d'autres grands travaux, ce ne sont pas tellement les aléas naturels, mais les difficultés rencontrées lors de l'exécution qui réduisent les bénéfices de l'opération : dans le cas du creusement du tunnel ferroviaire sous le mont MacDonald au Canada, destiné à assurer une nouvelle liaison Atlantique-Pacifique, le matériel employé initialement s'est révélé inadapté au terrain ; le sous-sol perméable s'est affaissé au cours du creusement du métro du Caire.

Ailleurs, c'est la rentabilité même des grands travaux qui est en cause : le tunnel sous-marin Seikan, qui relie le détroit de Tsugaru les îles japonaises de Hokkaido et de Honshu, sera concurrencé par les nombreux vols aériens qui assurent dès maintenant les liaisons entre Sapporo et Tokyo. Les ressources financières disponibles sont sans proportion avec les charges entraînées par certaines stations de sports d'hiver intégrées, comme à Borovec, en Bulgarie, ou par les complexes sportifs destinés aux jeux Olympiques, comme ceux qui sont prévus à Séoul pour 1988. Dans toutes ces situations, le risque couru tient à la récupération aléatoire des recettes attendues.

Gilbert Rullière

Télécommunications

Les changements ont été suscités par la décision de démonopoliser ATT (American Telephone and Telegraph) aux États-Unis, suivie de celle de NTT (Nippon Telegraph and Telephone) au Japon et de la privatisation des postes britanniques. À la suite des mesures prises dans ces trois pays, la confrontation de type concurrentiel est devenue de plus en plus sévère. La technologie, dont le développement est exponentiel, a bouleversé les données du marché et a souligné la lourdeur et l'inertie des structures étatiques ; celles-ci apparaissent de moins en moins adaptées avec l'explosion des matériels et des services nouveaux qui appellent des méthodes nouvelles. Cette pression technologique doit conduire à une redéfinition du rôle des systèmes postaux comme les PTT en France, car il est apparu que les volontés hégémoniques d'ATT, ITT, IBM Rolm ou NEC et TOSHIBA ont rompu le précaire équilibre actuel. En effet, deux sociétés américaines, ITT et OTE, se sont déjà partagé le marché belge de la téléphonie publique. Par ailleurs, ITT a créé à Anvers une filiale, la Bell Telephone Manufacturing, qui a joué un rôle important dans la mise au point et la commercialisation d'un système à commutation électronique. C'est dans un tel contexte que les PTT se sont interrogés en France sur l'adaptation de leurs structures juridiques.

Dans le domaine de l'audiovisuel, le changement tient à l'irruption des chaînes de télévision payantes, qui constitue un événement majeur au regard de la tradition de monopole du service public (financé par la redevance ou des prélèvements fiscaux). La télévision est en train de devenir clairement un produit pouvant prendre place dans une gamme de services s'adressant à des clients différents prêts à payer le prix de la spécificité ou de la qualité. Les notions de prix et de marchés en viennent à jouer un rôle inédit dans un monde marqué jusqu'alors par des ambitions orientées vers le débat politique, la recherche de la distraction et la diffusion de la culture.