Il y aura donc peut-être un jour, grâce au satellite de diffusion directe, une chaîne de télévision de ce type – encore qu'on imagine à quel point de puissants intérêts tenteront d'imposer en priorité leurs projets concurrents. Dans l'immédiat et plus modestement, une société publique d'édition de programmes de télévision, créée en novembre 1985, tente d'engranger des productions de qualité pour cette éventuelle chaîne de demain.

Tout cela fait évidemment beaucoup : à partir du satellite, du câble et de nouvelles télévisions hertziennes, nous parviendront énormément d'images. Sera-t-il possible de les financer ? L'une des hypothèses du moment veut que le marché publicitaire puisse éponger de nombreuses nouvelles productions. Du fait de la restriction de la publicité sur les chaînes publiques, un volant important de dépenses publicitaires n'a pas pu se faire à la télévision française en 1985 – certains estiment ce « manque à gagner » à un milliard de francs, d'autres à trois milliards, c'est dire la précision de ces données ! La multiplication des canaux permettrait à cet argent de s'employer. Il est peu probable, en revanche, que cet investissement publicitaire nouveau permette, en France, de financer plus d'une chaîne, peut-être deux au maximum. Dans ces conditions, il faudra soit revoir en baisse les perspectives de multiplication de chaînes – les stations locales seront probablement peu nombreuses et devront recourir à des opérations de « réseau » entre elles pour pouvoir acheter des programmes –, soit programmer de plus en plus d'émissions à bon marché – séries avec de nombreux épisodes se passant dans les mêmes décors, « plateaux » où beaucoup d'invités bavardent, variétés en play-back, films mineurs déjà amortis dans le circuit des salles de cinéma.

C'est là, sans doute, l'avenir de la télévision à l'aube du « troisième millénaire » : un irremplaçable outil de communication, d'information et de culture, mais aussi le champ clos de groupes multi-médias aux stratégies purement commerciales ; de grandes et belles émissions offertes parfois à l'admiration des foules, un grand choix dans les images offertes aux grands et aux petits, mais surtout le train-train d'une énorme multitude d'émissions standardisées destinées à la grande consommation.

Roland Cayrol