Au total, en tout cas, les décisions de novembre 1985 précisent et complètent le tableau de l'audiovisuel français, tel que l'envisage le président de la République pour les prochaines décennies.

Ce tableau inclura les chaînes existantes – sous réserve des « privatisations », qui pourraient être réalisées, de certaines chaînes publiques, en fonction du programme de l'opposition. Ces chaînes « hertziennes » auront encore de belles années devant elles, en tout cas tant que d'autres techniques de transmission – fondées sur le câble et le satellite – n'arroseront pas l'ensemble des foyers du pays.

Le câble est maintenant entré en France dans sa phase d'installation. On sait que l'ambitieux plan câble », adopté par le gouvernement en novembre 1982, a opté pour un câblage rapide du territoire français, à partir d'une technique fondée sur le câble en fibres optiques – et non en cuivre, comme aux États-Unis –, avec un réseau en étoile – et non en arbre comme dans l'exemple américain. Cette technique, dont la France espère qu'elle sera largement exportable dans le monde, permet d'imaginer que le câble permettra, non seulement d'acheminer en direction des familles de nombreux programmes de télévision, mais aussi d'organiser un grand nombre d'utilisations interactives : l'usager pourra intervenir et faire des demandes au câble (ce qui est impossible dans le cas des États-Unis), telles que le choix de programmes télévisés ou filmés sur catalogues, la consultation de banques de données, la réservation de places de transports ou de spectacles, des opérations bancaires ou boursières. Ces utilisations interactives pourraient d'ailleurs rentabiliser les investissements du câble, plus que la simple télédistribution de chaînes de télévision.

C'est la puissante Direction générale des télécommunications (DGT) du ministère des PTT qui a reçu le monopole de l'installation du réseau câblé. Mais cette Direction doit négocier, ville par ville, les conditions d'installation et les tarifs consentis aux municipalités pour la pose du câble, dans la mesure où les Sociétés locales d'exploitation du câble (SLEC), qui décideront des contenus de programmes et d'usages ouverts aux foyers câblés, seront des sociétés d'économie mixte présidées par un élu local. L'année 1985 a vu ce processus démarrer vraiment.

Plusieurs SLEC ont été constituées – notamment à Paris, Cergy-Pontoise, Rennes, Grenoble, Boulogne-Billancourt et dans l'ensemble Saint-Cloud/Suresnes/Sèvres. À titre d'exemple, la SLEC de Paris est constituée par la Ville de Paris (51 %), la Compagnie lyonnaise des eaux (39 %) et la Caisse des dépôts et consignations (10 %). Elle paiera à la DGT une redevance de 42 francs par prise raccordée à un foyer. Et elle fera payer à ceux qui souhaiteront être raccordés un abonnement mensuel, probablement de l'ordre de 120 francs. Le mouvement de câblage du pays doit s'accélérer : 200 000 foyers câblés fin 1985, 750 000 fin 1986, 1 800 000 fin 1987, 3 100 000 fin 1988. La première ville à offrir une possibilité de câblage à ses habitants est, depuis décembre 1985, celle de Cergy-Pontoise – qui a reçu de l'État des dérogations lui permettant d'offrir à ses abonnés les programmes de télévisions périphériques (Télé-Monté-Carlo, RTL) ou étrangères.

Consommation médiatique et culture

Avec le câble, c'est l'un des avenirs de la communication qui commence dans notre pays. Cet avenir sera évidemment différent selon l'usage qui sera fait du câble, non seulement selon que cet usage sera plus ou moins interactif, mais selon la nature des programmes de télévision qui seront rendus disponibles aux usagers. On peut imaginer soit de mettre l'accent (comme le fait le conseil général de la Seine-Saint-Denis) sur la réalisation de programmes locaux, d'expression des groupes et des citoyens, soit de permettre aux abonnés de voir se multiplier sur leurs écrans les programmes provenant de chaînes privées et de télévisions étrangères. En effet, si les « têtes de réseaux » d'une ville câblée sont équipés d'antennes permettant de capter les émissions des petits satellites de communication (comme aujourd'hui le satellite ECS1) ou des gros satellites de diffusion directe (comme TDF1 à partir de l'été 1986 et TDF2 quelques mois plus tard), ce seront des dizaines de programmes qui pourront être acheminés jusqu'aux récepteurs de télévision au domicile des usagers. C'est probablement cette seconde voie qui sera choisie par la plupart des villes françaises, soucieuses de rentabiliser au maximum l'investissement coûteux du câble.