À la fin du mois d'août, Chrysler à son tour annonce qu'il va constituer une « joint venture » avec l'une des principales holdings sud-coréennes Samsung. Avec un objectif encore plus ambitieux 300 000 voitures par an en 1987, dont 100 000 à destination du marché américain et 200 000 pour l'exportation principalement en Asie du Sud-Est. Chrysler, en mesure désormais de reprendre l'offensive sur des marchés extérieurs, engage dans cette opération 350 millions de dollars. Voiture issue de cette coopération : l'Horizon, qui, probablement en empruntant le nom de baptême d'un modèle sorti en 1978, serait entièrement redessinée et remotorisée. Une étude de l'université du Michigan explique cette course précipitée des Américains vers ce pays à haut risque politique : les salaires y sont de 2 dollars l'heure en moyenne pour un ouvrier coréen contre 12 au Japon et 24 aux États-Unis. Mais l'industrie automobile coréenne, qui avait fabriqué près de 120 000 voitures en 1979, semble avoir beaucoup de mal à retrouver son régime de croisière. Sa production, qui s'élevait à 98 750 voitures en 1982, est retombée à 88 000 en 1983. Il lui reste également à démontrer qu'elle est en mesure de sortir en grande série des modèles sophistiqués.

Jaguar superstar

Belle revanche pour Sir Michael Edwardes qui, de 1977 à 1982, a dirigé d'une poigne de fer British Leyland que le gouvernement travailliste de Harold Wilson avait nationalisé en 1975. Fidèle à ses engagements, le Premier ministre britannique, Margaret Thatcher, donne, en mai 1984, son accord pour que la plus prestigieuse de ses marques automobiles, Jaguar, quitte l'orbite de British Leyland pour retrouver un actionnaire privé.

Le 3 août, en quelques instants, les 177,88 millions d'actions qui sont proposées à la City au prix de 165 pence l'une déclenchent un véritable coup de folie (l'opération est sursouscrite 8,3 fois). Il faut procéder à un tirage au sort pour départager les petits actionnaires. La cotation au Stock Exchange, le 10 août, s'établit à un niveau sensiblement supérieur à celui de la souscription. Les salariés de Jaguar et de British Leyland se voient offrir des droits préférentiels pour acquérir des actions, voire, pour ceux de l'usine de Coventry, des actions gratuites pour leur participation au redressement de la firme. Il faut dire que, sous la direction de John Egan, la prestigieuse maison fondée en 1935 par sir William Lyons a retrouvé un tonus qui, depuis une quinzaine d'années, lui faisait cruellement défaut. Cet ingénieur du pétrole, ancien de chez Shell puis de General Motors et de Massey Fergusson, arrivé aux commandes de la division Jaguar Cars en 1980, a travaillé à améliorer la fiabilité des produits, réduire les prix de revient (un tiers des emplois ont été supprimés à Coventry) et à redonner à la marque au félin bondissant une image sportive. En juin, dix-sept ans après sa dernière victoire au 24 Heures du Mans, deux prototypes s'alignent au départ sur le célèbre circuit Bugatti et, le 29 juillet, une Jaguar, pour la première fois, triomphe au Grand Prix de Spa Francorchamps, la plus grande épreuve d'endurance pour les voitures de série.

L'envolée de la monnaie américaine fait le reste. Les deux tiers des 28 400 Jaguar produites en 1983 partent pour l'étranger. En 1984, la forte demande américaine (près de 13 000 Jaguar devaient y être expédiées) et allemande (1 500) apporte de précieuses bouffées d'oxygène. La situation financière, détestable jusqu'en 1982, se retourne : 55 millions de livres sterling de bénéfices d'exploitation en 1983 et 43 millions pour les six premiers mois 1984. Début septembre, pour porter la production à 36 000 unités en 1985 et préparer le lancement du nouveau modèle XJ 40, John Egan reprend l'embauche pour porter les effectifs à 9 930 personnes à la fin de l'année.

Le « modèle français »

Au moment même où le lancement de la nouvelle Renault supercinq menaçait d'être perturbé par des grèves et un certain climat de mécontentement, Bernard Hanon, président réélu en juin de la Régie Renault, prend à contre-pied les syndicats en présentant un plan de modernisation industrielle et sociale. La firme nationale entend renouer avec le rôle d'avant-garde qu'elle occupait dans les années 60 et 70 par ses troisième puis quatrième semaines de congés, la mensualisation des salaires ou l'indemnisation du chômage partiel.