Lustucru coupe les ponts avec Rivoire et Carret à la suite d'une mésentente sur la stratégie commerciale. Le hollandais Hendrix (filiale de BP) reprend l'activité porc de l'Union des fabricants d'aliments composés et crée l'inquiétude dans les entreprises du secteur. Plusieurs entreprises viticoles, Ramel, Bordel, SLVO..., déposent leurs bilans du fait de la diminution de la consommation de vin, dont la moyenne passe de 97 litres tête/an en 1976-1980 à 86 litres en 1982-83.

Jean Domenge

Armement

Un marché difficile

Malgré la persistance de la tension internationale et en dépit de la poursuite de la guerre Iran-Iraq, le commerce mondial des armes a plutôt stagné en 1984, au moins pour ce qui concerne les équipements les plus sophistiqués. Aucun chiffre officiel ne permet de justifier cette affirmation, mais, de source privée, américaine notamment, on confirme que, si le trafic d'armes légères continue d'avoir le vent en poupe, le temps des marchés du siècle semble révolu.

Dans ces conditions, on peut être étonné que les commandes passées par les États étrangers à l'industrie française de l'armement aient atteint 40,4 milliards de F au cours du seul premier semestre 1984, c'est-à-dire plus que pour l'ensemble de 1983. L'an passé, en effet, le chiffre de 30 milliards de F avait été péniblement dépassé. Cette progression a de quoi surprendre compte tenu de la sévérité de la concurrence internationale et des moindres moyens financiers des clients de la France.

Un fabuleux contrat

En fait, la performance française n'a rien d'extraordinaire si on regarde les choses de près. Il faut savoir qu'une bonne partie des 40,4 milliards cités plus haut provient du gigantesque contrat (les experts ont avancé le chiffre de 35 milliards de F) conclu, en début d'année, entre la France et l'Arabie Saoudite pour la livraison d'un système de défense antiaérienne, essentiellement des radars fournis par Thomson-CSF, filiale « électronique professionnelle » du groupe nationalisé Thomson.

Des commandes de cette importance, on n'en signe qu'une tous les dix ans. La dernière en date remonte à la fin des années 60, quand la Libye commanda quelque 130 Mirage à Dassault. La prochaine, en cours de discussion, concerne la vente à l'armée américaine du système de transmissions RITA, également mis au point par Thomson.

Autre raison de ne pas pavoiser : dans le domaine aéronautique, qui fournit généralement plus de la moitié des exportations de matériels militaires, aucune commande substantielle n'a été enregistrée depuis près d'un an. C'est même le calme plat pour l'Aérospatiale (qui perd de l'argent avec ses hélicoptères), pour Matra (qui a de plus en plus de mal à vendre ses missiles), et, dans une certaine mesure, pour Dassault (qui, pour le moment, compte davantage, pour assurer son plan de charge, sur ses Falcon civils que sur ses chasseurs-bombardiers). Certes, dans le cas de Dassault, la commande de 40 Mirage 2 000 passée par le gouvernement grec en novembre dernier est une bonne nouvelle ; mais on ne peut pas parler de surprise car les chances de l'avionneur français ont toujours été considérées comme bonnes.

Les impératifs de la rigueur

Si l'industrie française de l'armement travaille à 40 % pour l'exportation, elle reste largement tributaire du budget des armées. Or Charles Hernu lui-même, ministre de la Défense, déclarait en octobre dernier : « Les armées, solidaires de la nation, sont naturellement associées à l'effort de maîtrise des dépenses publiques. » De fait, dans le budget 1984, les crédits d'équipement augmentent au même rythme que l'inflation — environ 7,7 % —, mais, comme la force nucléaire reste prioritaire et coûte de plus en plus cher, les crédits affectés aux armements conventionnels voient leur part relative diminuer. L'impératif de la rigueur n'a jamais été aussi catégorique, puisque, par exemple, il a fallu annuler les manœuvres « Korrigan » qui devaient se dérouler en Bretagne au début de l'automne.

Face à des débouchés intérieurs qui se rétrécissent, l'exportation est donc pour la France et ses fabricants d'armes une nécessité plus vitale que jamais. L'amortissement des frais de recherche et de développement (18 milliards de F rien que pour la part financée par l'État) ainsi que la rentabilité des unités de production en dépendent. Malheureusement, les obstacles à l'exportation ne cessent de se renforcer. C'est d'abord l'intensité croissante de la concurrence américaine, encouragée par une administration Reagan bien décidée à ce que les États-Unis augmentent leurs livraisons de matériel militaire à l'étranger. C'est aussi la diminution des ressources des pays arabes, gros clients de la France, en raison de la tendance à la baisse du prix du pétrole. C'est enfin l'apparition de compétiteurs nouveaux, tels l'Espagne, Israël et le Brésil. Le dernier en date est la Chine ; on a pu voir, en septembre, dans la Revue internationale de défense, une publicité vantant les mérites d'un obusier automoteur... chinois. Cela dit, l'image des armes françaises reste bonne dans de nombreux pays. C'est la conséquence à la fois d'un positionnement politique qui a les faveurs du tiers monde et d'un potentiel technologique. La France devrait conserver sa place de troisième exportateur mondial d'armement.

Coopération en sommeil

Côté coopération européenne, l'horizon n'est pas au beau fixe. C'est pourtant la seule façon de concurrencer efficacement les Américains sur le Vieux Continent, puisque — au moins théoriquement — les pays qui sont parties prenantes dans la production en commun de matériel militaire devraient constituer un marché captif. Voilà pourtant plusieurs années que la coopération est en sommeil. Elle vient d'être relancée avec le projet de développement d'un avion de combat. En juillet, les ministres de la Défense de France, de Grande-Bretagne, d'Allemagne, d'Italie et d'Espagne sont parvenus à un accord de principe sur la construction d'un tel appareil. En octobre, les chefs d'état-major des cinq pays en cause se sont même entendus sur un plan industriel. Encore faut-il que les entreprises concernées y soient favorables. Or, la principale d'entre elles, Dassault, ne semble pas convaincue de mettre ses compétences, il est vrai supérieures à celles des autres, au pot commun. Malgré les protestations officielles de bonne volonté, il ne faut donc pas s'attendre à ce que la situation se débloque. L'Europe des armes n'est pas pour demain.