Il est vrai que le nouveau président de la République fédérale a toujours cultivé un certain œcuménisme politique (et même religieux, puisqu'il fut, au sein du grand congrès des Églises allemandes, le Kirchentag, un ardent partisan du rapprochement des confessions chrétiennes). Aristocrate, mais d'une grande facilité de contact humain, cultivé et libéral, R. von Weizsäcker prend en 1984 un départ prometteur dans cette fonction, plus délicate qu'il n'y paraît, qui consiste à présider activement aux destinées de l'État fédéral sans se mêler de gouverner.

B. B.

Le SPD affaibli

Il est vrai que le SPD, de son côté, ne semble guère tirer parti de cet effritement de l'audience chrétienne-démocrate et libérale. Les élections européennes en font foi, parmi d'autres signes. Et, s'il enregistre certains succès régionaux, comme à Munich dont il reconquiert l'importante mairie début avril (mais la grande cité bavaroise a une ancienne tradition socialiste, au cœur d'une région ultraconservatrice), il les doit parfois à l'alliance avec les Verts, comme en Hesse, en juin, ou dans le très important Land de Rhénanie du Nord-Westphalie, en septembre, où les élections municipales consacrent par ailleurs le déclin du FDP.

Renvoyés à l'opposition, les sociaux-démocrates y ont renoué avec les commodités du langage oppositionnel.

Eux qui avaient été à l'origine de l'effort militaire de l'OTAN destiné à compenser le surarmement soviétique, en imposant la décision d'implanter des euromissiles en cas d'échec des pourparlers eurostratégiques de Genève, ils mènent désormais campagne contre les Pershing et les Cruise de l'Alliance atlantique. Manifestement, la tentation de la surenchère à gauche, notamment pour endiguer la montée des Verts qui recrutent partiellement dans les mêmes milieux qu'eux, est très forte tout au long de cette année. L'influence de Willy Brandt, président du SPD et partisan de fédérer « tout ce qui est à gauche de la CDU » pour reconquérir le pouvoir, est manifeste. Elle embarrasse d'ailleurs l'ex-chancelier Schmidt, beaucoup plus réservé à l'égard de cette nouvelle ligne politique et qui appelle son parti à un certain « retour au réalisme ».

L'ascension des Verts

À cette crise d'identité qui affecte à l'évidence les libéraux au pouvoir et, dans une mesure à peine moindre, les sociaux-démocrates dans l'opposition, le mouvement écologiste et pacifiste n'échappe pas non plus en cette année 1984, même si différents succès électoraux, européens, régionaux et municipaux, ne cessent de confirmer son audience. Les Verts ont subi, l'année précédente, un grave échec avec le début de l'implantation des euromissiles en RFA, alors qu'ils avaient espéré que les cortèges imposants qu'ils avaient réunis dans toute l'Allemagne pour protester contre la décision de l'OTAN, le revirement du SPD à cet égard et l'intense propagande de l'Est (en particulier de la RDA) finiraient par vaincre la résolution de H. Kohl, au moins en faveur d'une solution transitoire.

Le jour même des élections européennes, ils tentent d'organiser un référendum sur les euromissiles, évidemment sans portée juridique et dont l'opportunité divise profondément leurs dirigeants. Deux vedettes de leur groupe parlementaire, Mme Petra Kelly et Otto Schilly, sont « renvoyés à la base » sans égards excessifs. Le général Bastian, dont la vocation tardive de chantre du pacifisme a fait une vedette obligée des meetings des Verts, a démissionné du groupe parlementaire en février. Bref, la rivalité entre fondamentalistes et réformistes, entre dogmatiques et pragmatiques bat son plein tout au long de l'année, cependant que quelques groupes d'extrême gauche qui s'étaient agrégés au mouvement — avec d'ailleurs, sans doute, un certain effet dissuasif sur le plan électoral — reprennent leur liberté de mouvement.

Mais ces états d'âme ne doivent pas faire illusion : scrutin après scrutin, le courant écologiste et pacifiste confirme qu'il a trouvé une audience. Et certaines décisions de la majorité parlementaire — comme l'obligation (adoptée en septembre) faite à tous les véhicules d'utiliser de l'essence sans plomb à partir de 1988 pour limiter la pollution — illustrent l'influence que les Verts peuvent exercer, parfois contre de fortes pressions des groupes industriels, bien au-delà du cercle de leurs supporters.

Offensive syndicale

Enfin — et ce n'est pas le moindre des conflits qui agitent la RFA en 1984 —, le gouvernement doit faire face à une vaste offensive syndicale en faveur de la semaine de travail de 35 heures. Situation qui semblerait banale dans la plupart des démocraties industrielles avancées mais qui traduit, en République fédérale, un important tournant dans la politique du DGB, la puissante confédération des syndicats ouest-allemands.