Une troisième affaire, elle aussi héritée de l'année précédente, paraît en revanche tourner court (elle ne mettait d'ailleurs pas en cause, elle, la coalition) : celle des faux carnets de Hitler, imprudemment publiés à grand fracas par l'hebdomadaire Stern. Le procès du faussaire, Konrad Kujau, et de l'ancien journaliste de l'hebdomadaire, Gert Heidemann, qui s'était ouvert en août à Hambourg dans une cohue indescriptible, est renvoyé à une date ultérieure. L'intérêt pour cette affaire rocambolesque s'émousse dans une opinion qui s'interroge sur l'avenir du cabinet CDU-FDP, et qu'agitent des conflits sociaux d'une vigueur inattendue.

Effondrement des libéraux

Sur le plan parlementaire, les choses ont été réglées, en principe pour quatre ans, par les élections du 6 mars 1983, qui ont vu la coalition chrétienne-démocrate et libérale conduite par H. Kohl sauver sa majorité et le FDP échapper à l'éviction du Bundestag qui le menaçait. En revanche, l'évolution des rapports de force dans le pays n'est pas favorable au gouvernement, tout au long de 1984, ne serait-ce qu'en raison du déclin, masqué pour un temps par le sursaut électoral de l'année passée, du parti libéral.

Celui-ci essuie, en juin, lors de l'élection des députés européens, une défaite historique : faute d'atteindre le niveau de 5 % des voix nécessaires pour disposer d'une représentation dans les différentes instances nationales ou régionales, le FDP n'a aucun élu. C'est la première fois depuis la naissance de la République fédérale, du moins dans un scrutin intéressant l'ensemble du pays. Sans doute ce scrutin apporte-t-il à H. Kohl une double consolation : son propre parti, la CDU, ne perd que trois points, et l'opposition social-démocrate recule encore par rapport à son piètre score de 1983. Mais il se pose désormais, pour le moins, un problème de dosage au sein de la coalition : le FDP peut-il encore détenir des portefeuilles aussi importants que ceux des Affaires étrangères ou de l'Économie alors qu'il est désormais sensiblement moins populaire que les Verts, qui, eux, avec 8,2 % des voix, remportent 7 des 81 sièges à pourvoir ?

La question est d'autant moins oiseuse que l'impétueux chef de file des chrétiens-sociaux (la CSU, branche bavaroise de la famille chrétienne-démocrate ouest-allemande), Franz Josef Strauss, poursuit de sa vindicte les mous du FDP et fait sans cesse pression sur H. Kohl, depuis le début de l'année, pour que celui-ci corrige le tir à droite, et lui fasse enfin, au sein du cabinet, la place qu'il mérite. Il semble que le chancelier hésite ; finalement, il annonce, fin juin, qu'il ne procédera pas à un remaniement gouvernemental dans l'immédiat, mais souligne que la collaboration avec les libéraux, au sein du cabinet, devra être poursuivie « dans un esprit de franche camaraderie ». C'est un double message : à F. J. Strauss, il signifie que, malgré les déboires du partenaire FDP, la ligne de conduite précédente ne sera pas infléchie ; aux libéraux, il semble dire : « Je vous garde, mais estimez-vous heureux et tenez-vous tranquilles. » De part et d'autre, ce message sera reçu.

Les sondages confirment, durant l'été et l'automne, ce que laissaient présager ces différentes affaires et les tiraillements au sein de la majorité : la popularité de H. Kohl connaît une certaine baisse. Il ne s'agit certes pas d'un effondrement ; mais on lui reproche son manque de fermeté — ce qui n'est sans doute pas toujours vrai — et sa lenteur à prendre certaines décisions — ce qui n'est certes pas toujours faux. La coalition, visiblement, connaît à son tour l'usure du pouvoir dont les sociaux-démocrates avaient tant pâti en 1982.

Un président œcuménique

L'Assemblée fédérale (c'est-à-dire la réunion des députés et des délégués des Landtage régionaux) élit Richard von Weizsäcker à la succession de Karl Carstens à la présidence de la République, le 23 mai. Le nouveau chef de l'État, le sixième de la RFA, prend ses fonctions le 1er juillet pour cinq ans.

Sa désignation illustre une lois de plus la force du consensus politique qui règne en RFA, en dépit des oppositions : proposée par la CDU, qui avec son alliée bavaroise, la CSU, dispose de la majorité à l'Assemblée fédérale, la candidature de R. von Weizsäcker reçoit le soutien des libéraux et de l'opposition social-démocrate (mais non des Verts, qui ont présenté leur propre candidat). Réaction d'autant plus méritoire de la part du SPD que cet important dirigeant de la CDU a été, en mai 1981, le tombeur des sociaux-démocrates à la tête de la chambre haute de Berlin-Ouest.