Le vote de cette loi marque un tournant dans l'histoire pénale italienne. Après quatorze ans d'attentats et 121 morts, l'opinion publique et les partis semblent maintenant mûrs pour la réconciliation. Il est vrai que les prisons sont pleines (40 000 détenus pour 26 000 places) et que 70 % de la population carcérale est en attente de jugement. L'Église et le Parti communiste sont actuellement les deux principales institutions qui travaillent à la récupération des 1 928 prisonniers détenus pour « terrorisme rouge ». Les années de plomb, ponctuées d'attentats signés Brigades rouges ou Prima linea, s'éloignent donc à l'horizon.

La corruption subit à son tour un coup d'arrêt. Michele Sindona, le fameux banquier sicilien accusé de banqueroute frauduleuse et d'assassinat, est extradé le 25 septembre depuis les États-Unis, où il purgeait une peine de vingt ans de réclusion pour le krach de la Franklin Bank. Cette extradition est la première après la signature de la convention d'extradition entre les États-Unis et l'Italie. La magistrature attend de l'interrogatoire du banquier des éclaircissements aussi bien sur l'assassinat, à Londres, du banquier Roberto Calvi que sur celui, à Milan, de l'avocat Giorgio Ambrosoli, et des lumières sur les ambitions réelles de la loge P2, à laquelle M. Sindona était affilié. La commission d'enquête parlementaire sur cette loge subversive, présidée par le député démocrate-chrétien Tina Anselmi, remet, le 20 mai, un rapport de 100 pages accablant pour une partie de la classe politique. « Ils ont tout fait pour me faire taire », a avoué Tina Anselmi lors d'un débat à la fête de l'Unité, le 10 septembre.

Et les séquestrations de personnes ? Elles ont chuté de 20 % au cours du premier semestre. La police, d'ailleurs, reprend aujourd'hui plus facilement les ravisseurs : 70 % sont coffrés dans les deux mois qui suivent l'enlèvement. Ce fut le cas dans l'enlèvement de Giorgio Calissoni, l'un des héritiers des bijoutiers Bulgari, rendu à la liberté le 5 janvier et qui avait subi l'amputation d'une oreille en guise d'avertissement : ses geôliers ont été pris en février.

Mafia : les révélations d'un parrain

Lorsque Don Masino Buscetta, 56 ans, capomafia du clan des Corléonais, se met à table en août 1984, personne au palais de justice de Palerme ne s'attend à l'hécatombe d'arrestations (366) qui va s'ensuivre, le 30 septembre, jour de la Saint-Valentin. Mais, surtout, personne ne réalise encore que les confessions du grand repenti de la mafia vont servir de révélateur à trois phénomènes.

Première révélation : la structure de la mafia. Cette organisation, dit Buscetta, est coiffée d'une sorte de coupole (ou couvercle), composée des représentants qualifiés des provinces siciliennes (voire des quartiers de Palerme) selon un strict principe d'étanchéité. Au-dessus de tous, le pape, Michele Greco, du clan de Ciaculli, dont l'autorité, très contestée, est à l'origine de la crise actuelle de l'onorata società.

Autre révélation : il existe un troisième niveau de la mafia, où se mêlent habilement politiciens et affairistes, responsables de la Démocratie chrétienne et grands financiers, spécialistes de la construction immobilière et experts en recyclage des mafio-dollars provenant du trafic de drogue. Les premières arrestations à l'intérieur du troisième niveau ont frappé, en novembre, Vito Ciancimino, ancien maire démocrate-chrétien de Palerme, dont les biens (6 milliards de lires et pas moins de 40 appartements dans la capitale sicilienne) ont été mis sous séquestre ; Nino et Ignacio Salvo, anciens fermiers généraux de Sicile, chargés jusqu'en 1972 du prélèvement de l'impôt et qui semblent faire partie de cette coupole où ont notamment été décidés les assassinats du député Pio La Torre, du général Dalla Chiesa et du juge Chinnici.

Dernière (et involontaire) révélation de Don Masino : l'existence d'un groupe d'incorruptibles au palais de justice de Palerme : six juges, dont le magistrat Giovanni Falcone, qui ont déclaré une guerre sans merci à la mafia. Avec, pour la première fois en Sicile, le soutien d'une partie de la population, lasse des crimes et de la loi du silence.