Quel est le bilan du règne de Bettino Craxi ? Ce socialiste dirige une coalition pentaparti (avec les républicains, les sociaux démocrates, les libéraux et les démocrates-chrétiens). Il a réussi son pari de demeurer en charge plus d'un an au Palazzo Chigi. Un record : 28 gouvernements avant le sien n'avaient pas passé l'écueil des douze mois. La longévité n'est pas le seul avantage offert par B. Craxi. Cet homme de 45 ans, pourtant peu diplomate et peu habile, a imposé dans l'opinion une image de décisionniste et de réformateur. C'est sous son règne qu'a été prise la décision d'instaurer une lire lourde valant 1 000 des lires actuelles (soit 5 F) : « Les mères de famille pourront faire leurs courses avec trois zéros en moins accrochés à leurs lires », a commenté le président du conseil.

Petite reprise

Cette mesure est à la hauteur de la ripresina, la petite reprise, qu'on note un peu partout en Italie. Les grandes entreprises à participation publique (telle Alfa Romeo) et les privées (Fiat, Olivetti) se redressent. Alla Romeo sera bénéficiaire en 1985, Fiat l'est déjà. Quant à Olivetti, elle annonçait, à la fin du premier semestre, une augmentation de son chiffre d'affaires de l'ordre de 16 % par rapport au premier semestre 1983. La ripresina se reflète également dans la baisse de l'inflation, qui tourne autour de 10 % contre 14 % l'année dernière, grâce notamment à la baisse du prix des matières premières et au blocage, pendant six mois à partir de février, des tarifs publics.

Ce redémarrage de l'économie italienne n'a pas encore modifié cependant les chiffres du chômage : 2 300 000 sans-emploi au deuxième semestre 1984. Il n'a pas davantage réussi à ancrer dans la Péninsule le raisonnement européen. Les grandes sociétés italiennes continuent à voir dans les États-Unis un partenaire économique privilégié pour tout ce qui concerne les technologies avancées. Olivetti signe, le 5 janvier, un accord avec ITT pour la fabrication et la distribution de matériel électronique. Le 27 septembre, c'est la STET (société de télécommunications, à participation d'État) qui signe avec IBM. Le 10 février, la direction de la compagnie aérienne Alitalia avait déjà fait savoir qu'elle achèterait des Boeing et non des Airbus.

Reprise : en tête de l'Europe

L'Italie, qui préside la CEE depuis le 1er janvier 1985, aura réalisé en 1984 le meilleur taux de croissance (2,8 %) en Europe. Même l'inflation, son mal endémique, qui atteignait 14,7 % en 1983, est retombée à 10,9 %. Même le blocage temporaire de l'échelle mobile des salaires, prévu jusqu'au printemps 1985, n'a pas empêché l'investissement de reprendre.

Cependant, le déficit budgétaire, qui atteignait 17 % du PNB en 1983, s'établit encore à 12,4 % et la dette publique à 85,3 % du PNB. Il a fallu relever, en août, le taux d'escompte de 1 %, en raison du déficit commercial et de la progression de la masse monétaire. Sur le front de l'emploi, l'Italie n'a pas fait de miracles : les prévisions pour les dix années à venir sont très sombres.

Tensions sociales

Les succès de Craxi s'arrêtent aux portes du monde du travail. Son gouvernement passe, le 14 février, avec les représentants du patronat et deux syndicats sur trois (la CISL et l'UIL, mais non la CGIL, qui est de loin le plus fort des syndicats, avec 4,5 millions d'adhérents) un accord qui limite d'autorité, sans aucune consultation des travailleurs, les effets de l'échelle mobile sur la dynamique des salaires. La CGIL se déclare favorable à une réforme de fond de la structure du salaire, mais hostile à toute négociation centralisée tripartite. Elle appelle à une grande manifestation de protestation, le 24 mars, à Rome : un million de personnes défilent dans la Ville éternelle aux cris — entre autres — de « Craxi-trahison ».

La CGIL est appuyée par le Parti communiste, qui, irrité de voir ses amendements systématiquement repoussés au Parlement, propose un référendum pour le rétablissement de l'échelle mobile. Le 24 septembre, il dépose auprès du Conseil constitutionnel 1 600 000 signatures de citoyens favorables à la consultation. La rupture de l'unité syndicale, en tout cas, est consommée avec l'accord du 14 février : le 2 octobre, le siège unitaire des trois confédérations, situé Via Gaeta à Rome, est déménagé. Chacun reprend ses meubles et ses billes.

Concordat

Les rapports gouvernement-Vatican, en revanche, sont bons. Un nouveau concordat est signé le 18 février par le président Craxi et Mgr Agostino Casaroli, secrétaire d'État du Saint-Siège. Il remplace les Accords du Latran passés en 1929 entre Mussolini et Pie XII. La religion catholique cesse d'être la religion de l'État italien. La liberté religieuse est effectivement reconnue. Le mariage à l'église ne remplace plus le mariage civil. L'enseignement de la religion dans les écoles publiques devient officiellement facultatif. En échange de ces concessions, le Vatican obtient des avantages financiers pour sa dette envers l'État à la suite de la faillite du Banco Ambrosiano de Roberto Calvi (lié à la Banque du Vatican), et l'assurance que le clergé verra son supplément de prébende augmenté en fonction de ses besoins.

Sécurité en hausse

Sur le terrain de l'ordre public, l'année 1984 se caractérise décidément comme l'année du post-terrorisme, en dépit de l'assassinat, le 15 février, du diplomate américain Hunt par les Brigades rouges. Le 27 juillet, le Parlement vote la loi sur la réduction de la durée de la détention préventive. Tout détenu dont le jugement définitif (en Cour de cassation) n'aura pas été prononcé six ans après son incarcération sera remis en liberté (avec l'ancien régime, il devait attendre onze ans et demi).