Truffaut, justement, vient de manifester à nouveau sa perception aiguë des dons cachés des comédiennes, en transformant complètement (et délicieusement) la trop tragique Fanny Ardant. On l'a vue, cette année, dans La vie est un roman d'Alain Resnais, ambitieuse tentative, à moitié convaincante, de marier, à travers trois récits différents, fantasmes et satire des tics contemporains. On l'a vue, frappée par la passion, dans le film résolument hors des modes, mais un peu... empesé, d'André Delvaux, Benvenuta, où elle était éperdument éprise d'un Vittorio Gassman à la fois érotomane et subitement mystique. Mais on l'a découverte dans Vivement dimanche, hommage, en noir et blanc, de Truffaut aux polars d'antan, où, secrétaire d'un Jean-Louis Trintignant empêtré dans ses mensonges, elle joue les détectives de charme avec un humour allègre et élégant qui a rallié tous les suffrages.

De Nathalie Baye, on n'avait plus de révélation à attendre : dans J'ai épousé une ombre, adaptation très libre mais un peu décevante d'un roman de William Irish par Robin Davis, elle est, sans conteste, parfaite. Catherine Deneuve n'a rien apporté de neuf à sa gloire en tournant dans L'Africain de Philippe de Broca.

La révélation, ou plutôt la confirmation éclatante, il faut la chercher, incontestablement, du côté de Nicole Garcia. Cette comédienne jusqu'alors toujours très juste, mais cantonnée dans les seconds rôles, a su, cette année, donner la pleine mesure d'une sensibilité toute de retenue et d'intériorité, qui devrait lui donner une place originale, et de tout premier plan, au palmarès des stars. Avec, d'abord Stella, de Laurent Heynemann, où elle donnait à son personnage de jeune juive amoureuse, prenant peu à peu conscience des responsabilités et des choix qu'impose l'Histoire (celle de la dernière guerre), une présence que le scénario un peu lâche ne rendait pas évidente. Avec son personnage de Claire, partenaire fugitive, délicieuse et libre, d'Yves Montand dans Garçon, nouvelle tranche de vie douce amère, mais, cette fois, si ténue qu'elle frôle l'inconsistant, de Claude Sautet. Mais, surtout, avec cette Marie au bord de la folie (serait-ce un nouveau filon de notre cinéma ?) que sauve une psychanalyse et que le jeune réalisateur José Pinheiro a su, grâce à elle, rendre extraordinairement émouvante, malgré la quasi-impossibilité que constituait, a priori, l'adaptation du roman de Marie Cardinal Des mots pour le dire. Tendue, blessée, traquée, puis reprenant peu à peu le goût de vivre, Nicole Garcia y est, tout simplement, exceptionnelle.

Les hommes, eux, ont été paradoxalement, car c'est souvent l'inverse jusqu'ici, moins servis. Ou plutôt, ce qui revient au même, trop bien, avec des rôles sur mesures où ils n'ont pas eu l'occasion de surprendre : Philippe Noiret, de L'Africain au décevant Ami de Vincent de Pierre Granier-Deferre, où il enquête de façon bien artificielle dans le passé sentimental de son copain Jean Rochefort pour aboutir à la constatation que leur amitié reposait sur une équivoque, en passant par Le grand carnaval d'Arcady, est toujours le même, solide, discret, nuancé, mais il semble que les réalisateurs se reposent trop sur son image, et que l'on frôle la sclérose... Lino Ventura, qui s'est fait plus rare, n'a pas davantage suffi à donner de la vigueur au gentillet Ruffian de José Giovanni ; Claude Brasseur, qui a incontestablement accédé au rang des plus grands, risque, lui aussi, la même sclérose, lorsqu'il se laisse aller, avec la complicité d'un Philippe Labro visiblement subjugué, à faire un véritable numéro — d'ailleurs éblouissant — dans La crime, une accumulation de poncifs policiers. À signaler, à propos de ce dernier film, l'étrange engouement des médias pour une blonde nouvelle venue, Gabrielle Lazure, également présente dans La belle captive d'Alain Robbe-Grillet, dans Le prix du danger de Boisset et dans le falot Sarah de Maurice Dugowson, mais jamais, jusqu'à présent, vraiment convaincante.

Il est vrai que le film policier ne permet que bien rarement d'échapper à la routine. Témoin Le battant, où Alain Delon, dirigeant Alain Delon, fait du Delon... Grâce à Jacques Deray, Jean-Paul Belmondo, lui, fait un peu moins du Belmondo dans Le marginal. Quant à Gérard Lanvin, il a surtout démontré ses qualités de coureur de fond dans le manichéen et racoleur Prix du danger d'Yves Boisset... Le polar, d'ailleurs, a moins inspiré les cinéastes cette année. Et l'on oubliera vite Un dimanche de flics de Michel Vianey, avec pourtant Jean Rochefort et Victor Lanoux, Effraction de Daniel Duval, malgré Bruno Cremer, et, surtout, le malheureux Faucon, où Paul Boujenah a cru donner un rôle en or à Francis Huster en le faisant, lui aussi, courir comme un lapin à travers la ville. Pauvre Huster, qui s'est aussi fourvoyé dans le navrant Équateur de Serge Gainsbourg...