Jean-Michel Defoilhoux

Cambodge

Dans l'impasse

Le conflit du Cambodge semble entré dans une phase de normalisation diplomatique, quatre ans après la prise de Phnom Penh par les Vietnamiens. Alors que se poursuivent, à la frontière khméro-thaïlandaise, les opérations de nettoyage menées par les troupes vietnamiennes et, à la frontière sino-vietnamienne, les escarmouches, les deux camps multiplient ballons d'essai, propositions et contre-propositions. Tout se passe comme si, sur fond de combats, chacun voulait tester la volonté de dialogue de l'adversaire, afin de déterminer jusqu'où, le moment venu, il sera possible d'aller sur la voie d'un compromis.

Fidèle à sa tactique de « négocier tout en combattant », le Viêt-nam tente en début d'année d'en finir avec les sanctuaires khmers rouges et nationalistes de la frontière thaïlandaise. Ses troupes déclenchent, en janvier et en avril, des raids contre les camps de maquisards implantés dans le no man's land qui sépare le Cambodge de la Thaïlande. Souvent engagés malgré eux dans les rangs de la résistance, les réfugiés (ils sont plus de 150 000 en Thaïlande) sont victimes des combats, auxquels participent l'armée et l'aviation thaïlandaises, à la suite d'incursions vietnamiennes.

Parallèlement, les manœuvres diplomatiques se développent entre les acteurs principaux de la crise : Hanoi et Pékin plus que jamais ennemis, Bangkok et Phnom Penh toujours hostiles, le prince Sihanouk, président de la coalition antivietnamienne, ses alliés-rivaux nationalistes et khmers rouges ; enfin, les pays de l'ASEAN (Indonésie, Malaysia, Philippines, Singapour, Thaïlande), que rend perplexes cette diplomatie des petits pas qui s'amorce aux dépens du peuple cambodgien.

Manœuvres diplomatiques

Le premier sommet des chefs d'État, de partis et de gouvernements indochinois depuis la fin de la guerre du Viêt-nam se tient les 22 et 23 février à Vientiane, au Laos, en présence des dirigeants du Viêt-nam, du Cambodge et du Laos. Hanoi annonce son intention de procéder au retrait progressif de ses troupes du Cambodge. Les Vietnamiens posent trois conditions pour que ce retrait soit total : que cesse la menace chinoise sur le Cambodge ; que prenne fin l'utilisation du territoire thaïlandais par les nationalistes et les khmers rouges ; et que la paix revienne totalement au Cambodge et à sa frontière occidentale.

Pékin ignore les offres du Viêt-nam, mais la Chine populaire réplique, le 1er mars, en rendant publics les points de ce qui, un jour, pourrait amorcer une négociation sur le Cambodge. Le retrait total des troupes vietnamiennes demeure la condition essentielle à toute solution, mais la Chine n'exige plus, apparemment, que ce retrait total ait lieu avant le début des pourparlers. La publication d'un calendrier, suivie d'un premier désengagement militaire, pourrait suffire initialement.

Les Vietnamiens rejettent le plan chinois. C'est donc l'impasse. Pour la première fois, pourtant, il apparaît que les deux camps, tout en affirmant leurs divergences, manifestent une certaine volonté de négocier.

S'agit-il simplement d'opérations de propagande à la veille du sommet non-aligné de New Delhi (du 7 au 12 mars) ? S'agit-il de prendre date, à quelques mois du traditionnel débat à l'ONU sur le Cambodge à l'automne ? Ou sont-ce les prémices d'une future négociation ?

Offensive de charme

Quoi qu'il en soit, le Viêt-nam développe son offensive du sourire en direction des pays de l'ASEAN. Hanoi n'exige plus, pour retirer ses troupes du Cambodge, l'évacuation des bases étrangères en Asie, et procède, le 2 mai, à un spectaculaire repli d'une division d'élite (15 000 hommes environ), qui repasse la frontière avec armes et bagages. Cependant, le ministre vietnamien des Affaires étrangères, Nguyen Co Thach, effectuant une tournée en Asie, invite à Hanoi son collègue thaïlandais Sithi Sawatesila. Le gouvernement provietnamien de Phnom Penh annonce, le 20 juillet, qu'il ne réclame plus de participer à une éventuelle négociation entre l'ASEAN et les pays d'Indochine, si cela peut faciliter les contacts.