La une des quotidiens n'est pas en mal de manchettes. Tour à tour, affaires judiciaires ou affaires d'État s'y succèdent sans relâche.

C'est d'abord une décision de la Cour suprême du Canada (6 déc. 1982) qui brise les espoirs du Premier ministre René Lévesque. Les neuf magistrats du plus haut tribunal du pays décident unanimement que le Québec ne bénéficie pas d'un droit de veto sur la réforme constitutionnelle. Le mariage fédéral est valide et le Québec devra suivre le pas de ses partenaires. À Ottawa, on considère la question définitivement réglée. « C'est la preuve que le Québec est une colonie intérieure », s'écrie le leader péquiste, abattu par la nouvelle.

Le chaos social s'installe fin janvier. Des décrets ordonnés par le gouvernement québécois remanient les conventions collectives et infligent des baisses de traitement aux employés de l'État. Les syndicats ne voient pas les choses du même œil. Du 26 janvier au 8 février, quelque 100 000 enseignants font l'école buissonnière au cours d'une grève générale de la fonction publique. Graduellement, hôpitaux et services gouvernementaux sont paralysés et seule une loi-matraque adoptée par le cabinet Lévesque réussit à forcer le retour au travail des fonctionnaires.

Inspiré par le président américain Ronald Reagan, qui avait, un an plus tôt, licencié ses aiguilleurs du ciel, Québec menace les récalcitrants d'amendes, d'emprisonnement et de licenciement. Au printemps, les négociations se poursuivent, non sans heurt, mais les choses rentrent peu à peu dans l'ordre. En mai, néanmoins, le transport en commun montréalais connaît sa 35e grève en 18 ans. Encore une fois, l'Assemblée nationale doit intervenir pour régler le conflit. Des sanctions sévères sont prises contre les chefs syndicaux. Cette situation n'a cependant rien de particulier au Québec. À Terre-Neuve, notamment, 7 500 enseignants rejettent les offres du gouvernement. Un lock-out est décrété et dure trois semaines, avant que, le 2 mai, le contrat de travail ne soit signé.

Liens franco-québécois

À la fin juin, René Lévesque se rend à Paris, où il est reçu par le Premier ministre, Pierre Mauroy. Ce dernier réitère à son visiteur que la France « est, et sera solidaire du Québec quelle que soit la voie qu'il se sera choisie ». Si elle peut paraître timide, cette assurance se concrétise tout de même par le report d'un éventuel sommet de la francophonie où Ottawa tentait d'empêcher le Québec d'être représenté à part entière, aux côtés du Canada. Cette décision est accueillie comme une victoire par le clan péquiste.

Le séjour du chef du gouvernement québécois en France coïncide également avec la signature d'un contrat de 1,5 milliard de dollars (9,75 milliards de F) avec Pechiney-Ugine-Kuhlmann, qui construira une aluminerie à Bécancour. Ce projet, le plus important investissement français à l'étranger, créera plus de 2 000 emplois au Québec.

Par ailleurs, les six États de la Nouvelle-Angleterre concluent un accord de 11 ans avec le Québec, par lequel ils s'entendent pour acheter tous les surplus d'énergie hydroélectrique que la province, dotée de centrales titanesques, pourra leur offrir.

Les fruits de la patience

Déchu en 1976, lors d'un cuisant revers électoral infligé par les troupes de René Lévesque, l'ancien Premier ministre libéral Robert Bourassa attendait dans l'ombre que la fortune lui soit de nouveau favorable. Remplacé au printemps 1978 par l'éditorialiste Claude Ryan, qui est battu lors du scrutin de 1981, R. Bourassa revient en force et apparaît, pour le parti libéral, comme le prochain sauveur. Sourire aux lèvres, il peut se féliciter d'avoir calmement attendu son heure : les militants du PLQ lui donnent une seconde chance le 15 octobre 1983, en lui confiant à nouveau les destinées de leur parti. Tout au long de la course au leadership, son retour à la tête du parti d'opposition n'a jamais fait l'ombre d'un doute et c'est avec plusieurs longueurs d'avance qu'il est réélu. Sa longue période de purgatoire lui a servi à faire oublier, par ses collègues libéraux, les reproches qui lui étaient naguère adressés. Il faudra attendre la prochaine consultation électorale pour savoir si la population québécoise est aussi indulgente.

Extraditions de nazis

Au mois de mai 1983, le ministre de la Justice, Mark MacGuigan, entérine la décision d'un juge ontarien, rendue à la fin 1982, en vue d'extrader à Francfort l'ancien criminel nazi, Albert Helmut Rauca, qui vivait paisiblement à Toronto depuis 1950. C'est la première fois qu'une telle extradition est décidée au Canada, et le solliciteur général du pays, Robert Kaplan, précise qu'une enquête est en cours concernant une centaine d'anciens membres de la Gestapo qui ont trouvé refuge dans la Confédération au lendemain de la guerre. Âgé de 74 ans, A. Rauca était recherché en liaison avec le massacre de 11 584 personnes, entre 1941 et 1943, à Kaunas en Lituanie. Artisan des grandes déportations, A. Rauca supporte mal le voyage. À peine arrivé en Allemagne fédérale, il est terrassé par la maladie et succombe, le 30 octobre, à l'hôpital de la prison de Kassel

Maux de langue au Manitoba

État biculturel, le Canada a, de tout temps, été secoué par des polémiques multiples tenant des droits linguistiques des minorités. C'est au Manitoba que se joue une bataille historique, lors d'un débat à l'américaine.