Deux statistiques confirment cette tendance. D'abord, les Français sortent plus qu'auparavant. Ils vont moins au spectacle, mais adorent passer la soirée en famille ou chez des amis. Ils reçoivent aussi davantage : en général une à trois fois par mois, et au moins une fois par semaine pour 25 % d'entre eux.

D'autre part, ils ne partent pas plus souvent en vacances que par le passé : 59 % déclaraient être partis au moins 4 jours consécutifs en 1981, contre 61 % en 1973. Le phénomène s'est accentué cette année, avec la restriction du montant de devises allouées aux Français. Par crainte de voir hôtels et campings surchargés, beaucoup ont préféré fractionner — voire réduire — leurs vacances. La levée de boucliers qui a salué cette mesure n'était finalement qu'une protestation de principe. Ils ne sont guère nombreux à partir à l'étranger, à peine 10 à 15 % des vacanciers.

Aérobic

C'est surtout la nature des activités de loisirs qui a changé. On ne « passe » plus ses vacances, on les « occupe », avec un impératif, la forme. Au nom d'un nouvel hédonisme, les Français redécouvrent leur corps, et à l'objectif « être beau », qui a longtemps prévalu dans notre société latine, vient se substituer la notion « être bien ».

La forme a ses exigences. Elles passent par la pratique d'un sport, de façon régulière et même acharnée. Jogging, aérobic, body building, autant de nouvelles formules qui nous sont venues des États-Unis, mais qui ont dépassé le simple phénomène de mode.

Aujourd'hui, 15 millions de Français pratiquent un sport de façon occasionnelle, surtout l'été. Planche à voile ou randonnée, on préfère les activités qui mettent en contact avec les éléments naturels. Les plus assidus — ils sont 5 à 6 millions — pratiquent régulièrement trois sports pendant l'année.

Musique

Mais on ne veut pas « bronzer idiot », et l'effort musculaire va de pair avec le développement de loisirs plus culturels. Les Français en vacances sont saisis d'une boulimie d'apprentissage. On ne compte plus le nombre de stages organisés chaque été ou même toute l'année : de la poterie à la photo, de l'informatique à la fabrication de foie gras, de la plomberie à la mycologie.

Dès lors, la plupart des activités culturelles connaissent un regain de succès. La musique, entre autres. On éprouve certes toujours du plaisir à l'écouter, mais on veut aussi la faire : 40 % des Français possèdent un instrument de musique et ils s'inscrivent de plus en plus nombreux dans des chorales. Ils chantent même en solitaires : 43 % des gens affirment vocaliser fréquemment dans la journée, chez eux ou dans leur voiture. Ils sont également saisis par la passion ludique. Les jeux de société sont la distraction favorite de 35 % des Français en vacances : le Scrabble arrive en tête, suivi des mots croisés et de la belote. Échecs et bridge sont moins prisés, mais tous arrivent largement devant la sacro-sainte pêche à la ligne. Chaque année, la finale du jeu Les chiffres et les lettres sur Antenne 2 fascine plus de 11 millions de téléspectateurs qui, crayon en main, s'amusent à plancher en même temps que les candidats.

« Téléphages »

Mais la véritable révolution qui se profile à l'horizon, c'est l'ère de la vidéo. L'électronique de loisirs (télévision, hi-fi, magnétoscopes, jeux vidéo...) connaît un taux de progression annuel de 13 %, supérieur à celui de tous les autres biens d'équipement. Les Français y consacrent en moyenne 1 172 F par an. Les jeunes en sont les premiers consommateurs ; ils jonglent sur les consoles, créent des programmes, s'ouvrent les portes d'un nouvel imaginaire.

Leurs parents préfèrent encore la télévision. On la regarde beaucoup, tous les jours dans 2/3 des cas, et en moyenne 15 heures par semaine. Les acquéreurs de magnétoscopes sont d'ailleurs souvent des téléphages, qui enregistrent sans discontinuer films, feuilletons et matches sportifs.

Rêver

Pourtant, l'image n'a pas encore tué l'écrit, contrairement aux idées reçues. Certes, nous n'avons jamais été de grands consommateurs de livres : 1 Français sur 4 admet ne jamais lire. Mais les autres lisent davantage que par le passé, et c'est surtout le nombre de petits lecteurs (1 à 4 livres par an) qui progresse. La production littéraire s'adapte aux goûts du public, avec le développement des gros best-sellers publiés juste avant l'été et une profusion de livres sur l'histoire. Besoin d'évasion, désir d'oublier un quotidien difficile ? Si l'on cherche à oublier en se plongeant dans le passé, on rêve aussi à l'avenir. Plus de la moitié des Français joue, au moins occasionnellement, au Loto, les jeunes plus encore que leurs aînés. Sans parler des fidèles de la loterie ou du PMU. Les loisirs, c'est aussi l'espoir.

Le loto

Créé le 19 mai 1976, avec un tirage par semaine, le Loto a vu, d'année en année, son engouement croître dans le public :
46 personnes ont touché plus de 5 millions de F (le record est enregistré le 25 février 1981 avec un gain de 9 775 886,80 F). Depuis sa création, le Loto a permis à 1 217 personnes de devenir millionnaires. La répartition des enjeux en 1983 a été de 54,6 % pour les gagnants, 30,81 % pour l'État (Trésor, timbre, TVA et sports) et 14,58 % pour les frais de fonctionnement (détaillants, émetteurs, courtiers, etc.).