Les efforts portent également sur les prix. Le premier centre local d'information sur les prix (Clip) démarre à Lille, au début de l'année. On l'attendait impatiemment, mais sa mise en place ne va pas sans controverses. Il est vrai que se proposer de relever les étiquettes de 1 500 commerçants, traiter cette masse de données sur informatique et publier régulièrement des fourchettes de prix maximums et minimums, ce n'est pas une mince affaire. Les commerçants, petits et grands, se méfient. Ils craignent qu'on ne compare pas des produits similaires et que l'information donnée ne fasse naître la suspicion envers tel ou tel magasin. Mais tout est mis en œuvre pour les rassurer et les mesures nécessaires sont prises pour garantir leur anonymat. Six Clip devraient fonctionner en France à la fin de 1983.

Peau neuve

Côté consommateurs, le paysage évolue. Catherine Lalumière mène, enfin, à bien la réforme de l'Institut national de la consommation, que beaucoup réclamaient depuis longtemps. Terminé le temps où l'INC avait pu agir pratiquement comme une association de consommateurs, lançant haut et fort ses propres mots d'ordre. Depuis janvier 1983, il retrouve sa vocation première : un outil technique d'information et de documentation, qui reflète le mouvement des consommateurs et travaille à sa demande. L'influence des associations s'exprime directement au sein du conseil d'administration de l'INC, dont sont désormais exclus les représentants des instances professionnelles. Sous cette impulsion, les moyens d'expression de l'Institut évoluent : il diffuse, depuis mars, un journal hebdomadaire sur les écrans de Télétel à Vélizy. Et, en avril, 50 Millions de consommateurs fait peau neuve. La revue se veut plus pratique, plus proche des préoccupations quotidiennes de ses lecteurs, car les consommateurs ont changé. Les éternelles victimes d'antan sont aujourd'hui considérées comme des personnes plus conscientes de leurs droits, capables d'attention et de discernement.

Conciliation

Deux jugements, au printemps de 1983, illustrent cette évolution. Les sociétés Samsonite et Wonder sont relaxées par les tribunaux de l'accusation de publicité mensongère : la première présentait une valise faisant office de ballon de football dans un match entre bulldozers, la seconde affirmait que ses piles « ne s'usent que si l'on s'en sert », alors qu'elle inscrivait sur ses emballages une date limite de mise en service. Dans les deux cas, on a estimé que les consommateurs devaient pouvoir faire la part entre la réalité et la parodie ou l'emphase publicitaire. « La loi n'est pas destinée à protéger les faibles d'esprit », a notamment conclu la cour.

L'attitude des associations de consommateurs semble directement refléter cette évolution. Certes, l'UFC-Que choisir lance, en avril, un mot d'ordre de boycott des produits du groupe Hauffmann-La Roche : celui-ci refuse d'indiquer le lieu de dépôt des déchets de dioxine en provenance de l'usine accidentée de Seveso. Mais le mouvement ne connaît qu'une faible ampleur dans le public. Et, en octobre, c'est EDF que l'on met sur la sellette ; l'UFC assimile à de la publicité mensongère les spots TV diffusés pour promouvoir la consommation d'électricité : une campagne, qui, selon l'association, justifie par des mensonges les « décisions aberrantes prises depuis de nombreuses années ».

Mais c'est plutôt l'absence de toute affaire d'envergure qui marque, en cette année 1983, l'univers de la consommation. Les organisations sont moins occupées à croiser le fer avec les entreprises qu'à dialoguer avec elles. Partout, en France, au niveau régional ou national, entreprises et consommateurs signent accords et conventions sur des engagements précis : service plus efficace, produits améliorés, meilleur traitement des litiges. L'administration n'est pas de reste, et les PTT lancent à Melun une expérience de commission de conciliation avec les usagers. L'UFC se met également de la partie et apporte son soutien officiel au combat d'Édouard Leclerc, qui continue de faire des rabais sur les livres et l'essence. On avait rarement vu une association et une entreprise se mettre ainsi du même côté de la barrière, au nom de l'intérêt du consommateur.