Les avis divergent toutefois quant à la nature de cet astre inconnu. Pour certains astronomes, il s'agit de la dixième planète importante du système solaire : la planète X. Selon les Américains Thomas Van Flandern et Robert Harrington, celle-ci pourrait être située à quelque 11,5 milliards de km du Soleil et avoir une masse comprise entre 2 et 5 fois celle de la Terre. Mais son éclat devrait alors être au moins égal à celui de Pluton, et il est pour le moins surprenant qu'on ne l'ait pas encore découverte. D'autres spécialistes invoquent la présence, à une distance du Soleil comprise entre 10 et 40 milliards de km, d'une naine noire, c'est-à-dire d'une petite étoile n'ayant pu s'allumer faute d'une masse suffisante. Pour d'autres enfin, l'astre responsable des perturbations du mouvement des planètes lointaines serait une étoile massive ayant cessé de briller : une étoile à neutrons ou un trou noir. Née en même temps que le Soleil, mais beaucoup plus lourde, cette étoile aurait eu une durée de vie bien plus courte. Un bon candidat pourrait être la très puissante source de rayonnement gamma décelée par plusieurs satellites dans la constellation des Gémeaux et surnommée Geminga.

Pour trancher le débat, les spécialistes misent désormais sur les quatre sondes américaines (Pioneer 10, Pioneer 11, Voyager 1 et Voyager 2) qui voguent actuellement vers les confins du système solaire. Au fur et à mesure de leur éloignement, une analyse très précise de leur mouvement devrait permettre, en effet, de déceler toute modification de leur trajectoire susceptible d'être attribuée à l'attraction d'un astre massif et invisible situé au-delà de Pluton. S'il existe réellement, le Soleil noir pourrait bientôt perdre son secret.

Philippe de la Cotardière

Deux sondes soviétiques autour de Vénus

Tous les 19 mois reviennent des périodes favorables à l'envoi d'engins en direction de Vénus, compte tenu de la position de la planète par rapport à la Terre. Une nouvelle fenêtre de lancement s'ouvre en juin, mais les experts sont convaincus qu'elle ne donnera lieu à aucune expérience soviétique. Depuis 1972, en effet, l'URSS a pris l'habitude de n'utiliser qu'une fenêtre vénusienne sur deux ; or, elle a déjà profité de la fenêtre précédente, en octobre 1981, pour lancer Venera 13 et Venera 14.

C'est donc avec surprise que les spécialistes apprennent le lancement de Venera 15, le 2 juin, puis de Venera 16, le 7 juin. À la différence de leurs prédécesseurs, ces deux nouveaux engins n'ont pas pour mission de larguer dans l'atmosphère vénusienne des sondes destinées à se poser au sol. Les 10 et 14 octobre respectivement, ils sont satellisés autour de Vénus, sur des orbites elliptiques décrites en 24 h, afin de poursuivre, depuis l'espace, l'investigation scientifique de la planète et, surtout, d'effectuer une cartographie radar de son hémisphère Nord avec une résolution de quelques kilomètres seulement. Les résultats de cette dernière opération sont attendus avec une grande curiosité aux États-Unis : en cas de succès, elle risque, en effet, d'ôter beaucoup d'intérêt à la mission du satellite américain Venus Radar Mapper, prévue en 1988. En définitive, la NASA pourrait être amenée à modifier son projet au profit du lancement d'une autre sonde, à laquelle seraient assignés des objectifs différents.

Philippe de la Cotardière

Terre

La genèse des continents

Des géologues et géophysiciens français ont étudié, en 1980, 1981 et 1982, avec leurs homologues chinois, le Tibet sur le terrain. Le Tibet et l'Himālaya sont les seules régions du monde où s'affrontent actuellement deux plaques portant l'une et l'autre une masse continentale. La connaissance des phénomènes qui se déroulent là, à l'échelle des temps géologiques certes, mais tout de même sous nos yeux, doit donc contribuer à faire mieux comprendre l'ensemble de notre planète.

En trois campagnes, Français et Chinois ont prélevé des échantillons des différentes roches rencontrées dans le Tibet. Ils ont tracé un profil sismique, effectué des mesures gravimétriques, électromagnétiques et magnétiques, étudié le paléomagnétisme, la tectonique et les vestiges paléontologiques. L'analyse des données recueillies, poursuivie au cours de 1983, commence à donner une idée de ce qui se passe dans le sud et dans le centre de l'actuelle Asie depuis quelque 250 millions d'années.

Mosaïque

Une surprise : l'Asie (Inde exclue) n'est pas, comme on l'imaginait dans le cadre ordinaire de la tectonique des plaques, un continent massif, fait d'une pièce, que l'Inde télescoperait depuis 45 millions d'années. Elle est, au contraire, faite de morceaux qui sont venus se coller à elle, les plus anciens étant les plus éloignés vers le nord, les plus jeunes formant l'Inde. Chaque suture est marquée, sur le terrain, par une bande d'ophiolites, roches très particulières, lambeaux de croûte océanique, qui se sont trouvés soit poussés sur un continent, soit pinces entre deux continents. Les morceaux actuellement soudés à l'Asie peuvent venir d'horizons très variés. Ainsi, le morceau situé maintenant au nord des vallées Indus-Tsangpo (en Inde, le Tsangpo prend le nom de Brahmapoutre) vient très probablement du Pacifique. Depuis longtemps, on sait que dans les vallées Indus-Tsangpo se situe la suture de l'Inde avec le reste de l'Asie. Sur le terrain, les spécialistes ont constaté effectivement des différences importantes : au nord de la suture, le granité est abondant, les volcans vieux de plus de 45 millions d'années nombreux, les terrains sédimentaires peu plissés ; au sud, il n'y a ni granité ni volcan et les terrains sédimentaires sont très plissés avec déversement vers le sud.