« Une disharmonie profonde n'est-elle pas en train de se creuser entre le cerveau de l'homme et le monde qui l'entoure ? On peut se le demander. Les architectures dans lesquelles il se parque, les conditions de travail auxquelles il est soumis et les menaces de destruction qu'il fait peser sur ses congénères, sans parler de la sous-alimentation à laquelle il soumet la majorité de ses représentants, sont-elles favorables à un développement et à un fonctionnement équilibré de son encéphale ? On peut en douter. Après avoir dévasté la nature qui l'entoure, l'homme n'est-il pas en train de dévaster son propre cerveau ? Un seul chiffre montre l'urgence du problème, celui de la consommation d'un des médicaments les plus vendus dans le monde : les benzodiazépines. Un adulte sur quatre se « tranquillise » chimiquement. L'homme moderne doit-il s'endormir pour supporter les effets d'un environnement qu'il a produit ? »

Rien n'est plus significatif parfois pour évaluer des idées du présent que de noter dans quelle direction s'orientent les regards sur l'histoire. Peut-être n'est-il pas fortuit de constater que deux des plus importants essais historiques parus en 1983 ont été consacrés l'un, chez Gallimard, à La mort et l'Occident depuis 1300, par Michel Vovelle, l'autre, chez Fayard, au Péché et la peur (xiiie-xviiie siècle), par Jean Delumeau. Mais peut-être aussi ne doit-on pas oublier qu'en 1983 Élisabeth Badinter a rencontré à nouveau beaucoup d'audience avec Émilie, Émilie (Flammarion), un essai sur « l'ambition féminine » au xviiie siècle, où il n'était pas difficile de lire en filigrane quelques propositions pour l'avenir.

La mystification de l'année Caton-Bercoff

Non, Caton, l'auteur du pamphlet de droite le plus intelligent que l'on ait lu depuis longtemps en France, ce n'est ni Alain de Benoist, ni Marie-France Garaud, ni Claude Pierre-Brossolette, ni l'amiral Sanguinetti, ni Pierre Juillet, ni Albin Chalendon... Aucune de ces personnalités proches des allées du pouvoir n'a donc écrit De la reconquête suivi de De la renaissance, deux ouvrages mâtinés de barrisme, teintés de mitterrandisme et qui cherchent à sortir le monde politique français de son manichéisme droite-gauche en annonçant que « pour vaincre la gauche, il faudra se débarrasser de la droite ».

Ce mystérieux Caton s'est dévoilé à l'émission de Bernard Pivot, Apostrophes, du 2 décembre. C'est donc André Bercoff, journaliste et écrivain, connu pour ses œuvres de fiction politique, écrites sous un pseudonyme Philippe de Commynnes. Le Journal de l'année lui avait demandé, bien avant qu'il ne se révélât être Caton, de signer un article sur le phénomène de la mode que nos lecteurs trouveront dans le dossier consacré à la mode.

Pierre Boncenne