Tous ces efforts devraient se concrétiser dans les années à venir. 1983 ne peut être considérée que comme une année de transition, mais Raymonda, qui vient d'être montée avec de grands moyens et qui a mobilisé tout le monde de la danse pendant trois mois, symbolise en quelque sorte cette nouvelle période Noureev. Sera-t-elle aussi longue et aussi fructueuse que l'époque Lifar ? Il est encore trop tôt pour se prononcer.

Subventions et politique

Cette année encore la France a connu une grande activité chorégraphique malgré des conditions économiques défavorables et l'incidence imprévue des événements politiques. Paradoxalement, la décentralisation qui aurait dû renforcer le développement des compagnies dans les régions leur a été néfaste. Recevoir des groupes, oui, favoriser la création d'artistes de la région, oui, mais à condition, bien sûr, que l'État en assume au maximum le financement.

On a même vu des villes profiter du renversement de tendances aux élections municipales pour se désengager de leur participation financière. L'exemple type est Roubaix où la venue d'un maire de droite, André Diligent, remet en question l'existence du tout jeune Ballet du Nord, dirigé par Alfonso Cata, et que l'on ne peut pas accuser cependant d'être à l'avant-garde de la danse.

Au contraire, le ministère de la Culture a intensifié son aide à l'art chorégraphique et comblé un tant soit peu la disparité qui existe entre l'organisation de la musique et du théâtre et celle de la danse. Les chiffres parlent : en 1981, le ministère accordait 12,5 millions de F de subventions, répartis entre 33 compagnies ; en 1983, la somme atteint 35 millions et concerne 87 compagnies. De plus, le ministre de la Culture prend largement en compte les conclusions déposées en juin par une Commission d'étude pour la danse qui fait le point d'une année de travaux sur les problèmes de cette discipline, répartis en quatre grands thèmes : l'enseignement, la création, la diffusion et la condition du danseur.

On peut remarquer, dans le même ordre d'idées, que la Ville de Paris, qui accueille volontiers la danse consacrée par l'intermédiaire de ses théâtres (Théâtre musical de Paris, Théâtre de la Ville) et du Festival international de danse, ne fait pratiquement rien pour aider la création chorégraphique, alors que la plus grande partie des jeunes chorégraphes vivent dans la capitale. Les quelques initiatives consenties à leur égard le sont par des municipalités de banlieue, comme Aulnay-sous-Bois, Vitry, ou Bagnolet (siège du concours le Ballet pour demain).

Audience élargie

Et pourtant, la danse continue à se développer et à élargir son audience auprès du public. Cette année encore, l'activité chorégraphique est florissante à Paris et également en province dans les théâtres subventionnés : Ballet de Lyon, dirigé par Gray Veredon, ballet du Théâtre de Nancy, qui a bénéficié de la présence stimulante de Noureev comme invité, Ballet du Rhin, dirigé par Jean Sarelli, Ballet de Marseille avec Roland Petit. Si on y ajoute les compagnies implantées auprès des maisons de la culture (Théâtre du Silence à La Rochelle, Groupe Émile-Dubois à Grenoble, Maguy Marin à Créteil), ou auprès des municipalités (Montpellier) et la politique d'accueil de la Maison de la danse de Lyon, qui a vu ses spectateurs passer de 25 000 à 64 000 en trois ans, ou encore la fréquentation des festivals d'été (Avignon, Aix-en-Provence, Arles, Chateauvallon, Montpellier), on ne peut qu'être optimiste sur l'avenir de cet art.

De tant de spectacles et de manifestations, il ressort que les chorégraphes classiques se font rares sur le marché international. Béjart, cette année, s'est un peu retiré, pour repartir de plus belle, espérons-le. Roland Petit semble actuellement inspiré par des œuvres musicales qui le reposent de ses grandes fresques romanesques. Son cycle Debussy est une belle réussite de danse pure. Par contre, sa transposition chorégraphique des Hauts de Hurlevent, sur un livret d'Edmonde Charles-Roux, n'a pas convaincu, malgré la présence de Dominique Khalfouni qui lui avait suggéré ce sujet. En fait, les deux chorégraphes qui s'imposent actuellement sont étrangers : il s'agit de John Neumeier, responsable du Ballet de Hambourg, qui a triomphé cet été à Paris et à New York avec La passion selon saint Matthieu, et Jiri Kylian, directeur du Nederlands Dans Teater, réclamé sur toutes les scènes d'Europe. Signes des temps ? Dans les deux cas, il s'agit de créateurs de tempérament mystique, directement impliqués dans leurs productions et qui plaisent à toutes les générations de spectateurs.

Danse moderne

Les Américains marquent le pas dans l'invention chorégraphique. Mais les artistes comme Cunningham, Lucinda Childs ou Trisha Brown n'ont pas fini de nous plaire.