Après les sanglantes émeutes du 20 juin 1981 à Casablanca — il y aurait eu plus de 600 morts —, le gouvernement chérifien organise une sévère répression : un millier de personnes sont déférées devant les tribunaux, qui prononcent, au terme de débats houleux, des peines relativement lourdes. Cependant, le roi reconnaît une part de responsabilité, lorsqu'il dénonce le 8 juillet 1981 le dépeuplement des campagnes et l'accroissement incontrôlé des bidonvilles d'où sont parties les émeutes de juin.

Opposition

Abderrahim Bouabid, le premier secrétaire de l'USFP (Union socialiste des forces populaires), dont beaucoup de militants sont emprisonnés, provoque, par ses prises de position hostiles, la rupture du front intérieur qui, depuis 1975, coalisait toutes les forces politiques marocaines autour du roi à propos du Sahara occidental. Il est arrêté le 8 septembre, avec d'autres dirigeants de l'USFP, et condamné à un an de prison ferme, officiellement en raison des critiques qu'il avait formulées contre l'acceptation par le gouvernement de certaines décisions du sommet de Nairobi concernant le Sahara occidental. Les quatorze députés socialistes décident alors de se retirer du Parlement, tandis que l'émotion, devant la sévérité du verdict, est grande au Maroc et à l'étranger, en France notamment où Me Bouabid compte de nombreux amis au gouvernement et dans le parti socialiste. À la fin de l'année et jusqu'en février 1982, le climat se dégrade dans les universités, qui sont occupées par les forces de l'ordre. Les intégristes eux-mêmes, tirant parti de cette agitation générale, deviennent plus entreprenants.

Un certain apaisement intervient toutefois lorsque, à l'occasion de la fête du Trône, Hassan II accorde le 1er mars sa grâce à Abderrahim Bouabid et à deux de ses compagnons. L'USFP et la CDT (Confédération démocratique du travail) consentent même, le 7 avril, à participer à un colloque économique organisé par le Palais. La détente se confirme enfin entre le pouvoir et l'opposition, lorsque est accordée l'autorisation de rouvrir les locaux de la CDT puis de l'USFP. Il reste que de nombreux prisonniers politiques sont toujours maintenus au secret.

Gouvernement

Les tensions politiques consécutives aux événements de Casablanca ont des prolongements au sein même du gouvernement. Un remaniement ministériel, qui a lieu le 5 novembre 1981, consacre le départ des ministres du RNI (Rassemblement national des indépendants), que dirige Ahmed Osman, beau-frère du roi et ancien Premier ministre. Le RNI qui, après les élections de 1977, comptait 140 députés sur 264 constituant ainsi la plus importante formation, paye son éclatement en deux groupes rivaux, dont l'un s'est constitué, en avril 1981, en Parti des indépendants démocrates (PID).

Le Premier ministre, Maati Bouabid, qui a conservé son portefeuille, dirige désormais un gouvernement de transition destiné à gérer le pays jusqu'aux élections de 1983. Le groupe RNI fidèle à Ahmed Osman entend se situer, selon la volonté du roi, dans « une opposition parlementaire constructive », à la place de la « mauvaise opposition » formée par l'USFP.

En dehors de l'affaire du Sahara occidental, dont le règlement reste la préoccupation majeure des autorités, l'attention du gouvernement se porte sur la situation économique. La stagnation de l'agriculture — son rendement n'a augmenté que de 2 % depuis 1976 — constitue le principal obstacle au développement du Maroc. En plus de sa dépendance à l'égard des importations essentielles (céréales, sucre), l'économie marocaine est également tributaire des fluctuations des cours de sa principale ressource exportable, les phosphates. C'est pourquoi, le budget de 1982 accuse un déficit de 6 865 millions de dirhams (près de 7 350 millions de F), qui devra être comblé par des prêts nationaux et internationaux.

Américains

Aux prises avec cette situation intérieure difficile, bloqué dans la recherche d'un règlement au Sahara occidental et se posant des questions sur les véritables intentions d'une France qui n'a pas hésité à suspendre temporairement, en mars 1982, ses livraisons de matériels militaires, pour non-paiement, le roi Hassan II se tourne délibérément vers les États-Unis. Les visites d'officiels américains se succèdent au Maroc, dans le but de concrétiser l'engagement de Washington, qui se traduit par une aide militaire accrue (de 30 millions de dollars en 1982 à 100 millions en 1983) et l'octroi aux forces américaines de deux bases de transit.