Les sanglants affrontements confessionnels de juin 1981, entre coptes et musulmans, avaient entraîné une réaction assez molle du pouvoir, ce qui avait laissé libre cours à l'audace des intégristes, dont les Frères musulmans.

Le flottement des autorités et quelques maladresses (dissolution de l'ordre des avocats) donnent l'impression qu'Anouar el-Sadate, contesté par une opposition de plus en plus bruyante et plus isolé encore à l'extérieur (son voyage aux États-Unis en août 1981 est un échec), ne parvient plus à enrayer la montée des périls ; surtout celui de l'islam intégriste.

Répression

Cependant, homme des coups de théâtre, le raïs entend, une fois encore, s'imposer par la surprise : le 5 septembre, il destitue le chef de l'Église copte-orthodoxe, Chenouda III, et fait procéder à plus de 1 500 arrestations dans les différents secteurs de l'opposition.

Sont emprisonnés le morched (guide) des Frères musulmans, cheikh Omar Telemsani, leur prédicateur le plus écouté, l'imam Kichk, l'ancien confident de Nasser, Hassanein Heykal, des opposants laïcs du nouveau Wafd, du Rassemblement progressiste de Khaled Mohieddine et même du parti travailliste d'Ibrahim Choucri, considéré comme représentant une opposition loyale légitimée par Sadate.

Justifiant cette répression par la nécessité de mettre hors d'état de nuire « tous ceux qui veulent dévier le cours de la démocratie en Égypte, sont aveuglés par l'extrémisme religieux et l'hostilité au régime », le raïs fait ratifier par référendum le 10 septembre 1981 les mesures prises, obtenant 99,45 % d'approbations. Puis, il décide, le 15 septembre, l'expulsion de l'ambassadeur soviétique et de ses collaborateurs, pour « activités visant à lézarder le front intérieur ».

Intégristes musulmans, hauts dignitaires coptes, intellectuels de gauche et diplomates soviétiques se trouvent ainsi accusés d'un même complot. Pourtant, cette brutale remise au pas, considérée surtout comme une opération anti-intégriste et antisoviétique, ne suffit pas à prévenir l'assassinat de son initiateur, le 6 octobre 1981.

L'assassinat du président Sadate

Le 6 octobre 1981, alors que le président égyptien préside aux cérémonies militaires commémorant la guerre d'Octobre, un petit groupe d'hommes, portant l'uniforme et dirigé par un officier, se détache du défilé et ouvre le feu sur la tribune officielle. Grièvement atteint et transporté à l'hôpital, Anouar el-Sadate y meurt sans avoir repris connaissance. Tandis que l'on procède à l'arrestation des membres du commando, des mesures de sécurité sont prises par Hosni Moubarak et le gouvernement pour prévenir tout renversement du régime. Il apparaît assez vite cependant qu'il s'agit non d'une vaste conjuration, mais d'une opération ponctuelle destinée à punir l'initiateur des accords de Camp David et le pourfendeur de l'association des Frères musulmans. Les obsèques du raïs se déroulent, le 10 octobre 1981, sur les lieux mêmes de l'attentat, en présence de huit chefs d'État étrangers — dont le président Mitterrand —, alors que le peuple égyptien est tenu à l'écart des cérémonies. L'enquête affirme que l'armée ne se trouve « guère impliquée » dans l'attentat. Les acolytes du lieutenant Islambouli, chef du commando, n'étaient pas des militaires, et les complicités au sein de l'armée (134 éléments peu sûrs en sont exclus) sont restées à un niveau subalterne. La vague d'arrestations qui suit touche plus de 650 extrémistes religieux musulmans, dont 24 sont inculpés dans l'assassinat, présenté par les autorités comme un « complot khomeiniste ». Le procès s'ouvre au Caire fin novembre 1981. Après de multiples rebondissements, la Haute Cour militaire condamne à mort, le 6 mars 1982, les quatre assassins et l'idéologue du groupe, l'ingénieur Abd el-Salam Farrag, qui sont exécutés le 15 avril.

Succession

Le sang-froid et la présence d'esprit dont témoigne le vice-président Moubarak, dans la confusion qui suit la disparition d'Anouar el-Sadate, apaisent rapidement les inquiétudes de tous.