À l'autre extrémité de l'échelle se développe en contraste une tendance au gigantisme, pour des machines qui n'existent dans le monde entier qu'à quelques exemplaires ou quelques dizaines d'exemplaires, généralement destinées à des usages militaires ou paramilitaires. Ce sont des multiprocesseurs (plusieurs unités de calcul). Certains travaillent en pipeline : les instructions complexes sont segmentées selon le type d'opérations ; d'autres ont une architecture parallèle : les courants de données sont traités simultanément dans un nombre égal de processeurs.

Les deux systèmes sont en compétition pour les superordinateurs, commandés notamment par la NASA, qui devraient avoir une puissance de calcul de 1 000 MFLOPS (soit un milliard d'opérations à virgule flottante par seconde).

L'architecture parallèle devrait permettre un gain de temps dans le calcul d'ensemble, mais elle se heurte à des difficultés de logiciel et manque de souplesse dans sa gamme d'utilisations. Les machines qui résoudraient ce problème auraient pu être appelées « de la cinquième génération » (la quatrième étant celle des grands ordinateurs actuels), si ce terme n'avait pris un sens quelque peu différent lors de la Conférence internationale sur les ordinateurs de la cinquième génération organisée par les informaticiens japonais, à Tokyo, en octobre 1981.

De telles machines différeraient des précédentes moins par leur puissance de calcul que par leur intelligence : elles ne traiteraient plus seulement des nombres, mais des implications logiques, des données abstraites. En outre l'interface homme-machine s'écarterait des langages artificiels grâce à la reconnaissance et à la synthèse de la parole, à la traduction automatique, à la reconnaissance des formes. Des spécialistes (dont quelques Japonais) doutent de leur faisabilité. Mais, parmi les projets techniques communs définis dans l'accord entre la société française CII-Honeywell-Bull et la société américaine Honeywell (avril 1982), figurent les ordinateurs de la cinquième génération. Sans doute faut-il l'entendre au même sens qu'à Tokyo.

La fin du compas et du tire-ligne avec la conception assistée

Depuis une cinquantaine d'années, les bureaux d'études n'avaient guère subi de modifications technologiques profondes. Seules, les techniques de reproduction (tirages de plans) s'étaient généralisées.

Les progrès fulgurants de l'informatique modifient considérablement cette situation, avec la mise au point des systèmes de conception assistée par ordinateur (CAO). Ces systèmes comprennent principalement une console graphique interactive, qui permet à l'opérateur de créer et de modifier instantanément des dessins, de résoudre en quelques secondes des problèmes géométriques complexes et de visualiser le déplacement des pièces d'un mécanisme.

Pendant longtemps, le frein au développement de cette technologie n'était pas tant le matériel (consoles, tables traçantes, ordinateurs) que le logiciel. Il fallait développer des logiciels d'application, c'est-à-dire des programmes, pour répondre aux besoins particuliers des utilisateurs.

Rien de comparable entre un dessin d'architecte et celui des huit couches d'un circuit électronique ; de même entre une centrale nucléaire et un disjoncteur. Et la mise au point d'un nouveau logiciel peut exiger des milliers d'heures d'ingénieurs sur plusieurs années.

Temps

Ces difficultés ne sont pas de nature à décourager les sociétés spécialisées : les gains de temps considérables apportés par la CAO leur garantissent des débouchés commerciaux énormes. Dans un bureau d'études classique, 70 % du temps est passé à la copie de dessins, 20 % à la modification des plans, et seulement 10 % à la création. Or, c'est justement sur les deux premiers points que l'ordinateur et la table à dessiner automatique apportent les progrès les plus sensibles.

Un dossier de voies de chemin de fer pouvait occuper, à la SNCF, un dessinateur moyen pendant 3 jours ; en dessin automatique, 40 minutes suffisent. Dans une entreprise de bâtiment, l'exécution du dessin d'une maison individuelle ne demande plus que 2 heures contre 2 jours s'il est fait à la main. Ces résultats expliquent que l'emploi de la CAO se répande pour de nombreuses applications telles que le dessin des flacons (Saint-Gobain Desjonquières), des verres (Cristalleries d'Arqués), des automobiles (Renault, Peugeot-Citroën), des avions (Dassault, SNIAS), des circuits électroniques (Thomson, CII-Honeywell-Bull). Une des dernières applications de l'année 1982 est l'acquisition par Matra d'un système de conception de schémas électriques pour le futur métro de Lille.