Enfin, des utilisateurs potentiels de la navette se sont aperçus que celle-ci ne constituait pas, en l'état, un véhicule idéal pour la satellisation d'engins géosynchrones. La navette les abandonne sur une orbite basse (à l'altitude de quelque 300 km) et c'est avec leurs propres moyens propulsifs — une fusée suffisamment puissante dont ils sont munis — qu'ils doivent se placer sur l'orbite synchrone, située à 35 800 km au-dessus de l'équateur. Les risques de ce transfert sont multipliés puisqu'il requiert trois mises à feu des moteurs : installation sur une orbite intermédiaire s'étendant d'environ 300 km (périgée) à 35 800 km (apogée) ; gauchissement de cette orbite afin que son plan, passant initialement par le lieu de lancement (la Floride), bascule et devienne sensiblement équatorial ; enfin, lors du passage par l'apogée, dernière impulsion pour rendre l'orbite circulaire. Or un lanceur classique du type Ariane injecte d'emblée l'engin dans l'orbite de transfert (200 - 35 800 km). Le satellite n'a besoin que d'un petit moteur d'apogée pour arrondir son orbite, car le basculement du plan de l'orbite n'est plus nécessaire, le cosmodrome de Kourou se trouvant à 5° de l'équateur.

L'Intelsat a renoncé fin 1981 à faire lancer par la navette ses 15 satellites du type V. Cinq seront satellisés par Ariane et dix par des Atlas Centaur de la NASA. Cette dernière a également commandé à Boeing et à Martin Marietta quatre études de gros lanceurs classiques (fusées à étages) pouvant remplacer la navette, dont ils utiliseraient certains éléments récupérables (accélérateurs, réservoir). Enfin, quatre sociétés américaines de télécommunications se sont déjà tournées vers la société Arianespace pour la satellisation d'une partie de leurs engins. Trois autres ont engagé des pourparlers.

La navette est un engin d'avant-garde. Il faudra la rendre plus pratique et moins onéreuse en limitant la durée et le coût de la remise en état des appareils après chaque mission.

Accidents

Lors de ses derniers essais au sol avant le premier tir expérimental le 5 août 1981, la fusée Percheron a explosé sur son pas de tir du Texas. Tout comme pour la Billirakete allemande (Journal de l'année 1980-81), il s'agissait pour une entreprise privée, Space Science Inc., de construire des lanceurs modulaires, simplifiés à l'extrême, permettant de concurrencer ceux, sophistiqués, de la NASA ou d'Arianespace.

Plus inattendue aura été, le 18 décembre 1981, l'explosion, à une centaine de mètres du sol, d'une fusée aussi éprouvée que l'Atlas F. Elle avait décollé de la base militaire de Vandenberg (Californie) pour lancer un satellite de radionavigation Navstar appartenant à la marine américaine.

USA : restrictions

La navette cause dans le budget de la NASA une hémorragie dont se ressentent les autres programmes. En 1981, cette administration n'a pu réaliser que 11 lancements par fusée classique et assurer deux missions du STS. Son programme pour 1982 est à peine plus nourri : 12 tirs de fusées et 3 vols de la navette. Les satellisations concernent neuf relais de télécommunications lancés pour le compte d'autrui, un satellite militaire et un autre appartenant à l'Italie. La NASA ne lancera donc qu'un seul satellite lui appartenant en propre.

Le budget alloué actuellement à la NASA ne compense même pas l'inflation et les trois quarts vont à la navette. D'où des économies draconiennes. Un tiers des moyens dont dispose le réseau de poursuite des sondes interplanétaires à Goldstone (États-Unis), Madrid (Espagne) et Canberra (Australie) a été suspendu. Le Lewis Research Center, affecté à l'étude des méthodes propulsives, est fermé. Les programmes NOSS (satellites de télédétection maritime) et ISPM (sondes solaires réalisées en collaboration avec l'ESA) et le projet VOIR (sonde destinée à être satellisée autour de Vénus pour en dresser la cartographie) sont abandonnés. La seule mission interplanétaire prévue est celle de la sonde Galileo, qui doit explorer Jupiter vers la fin de la décennie.