Pour le reste, le gros de la production se partage, comme il est de tradition, entre le rire, le polar et l'humour.

Le rire tient le haut du pavé au box-office, avec le formidable succès de La chèvre, deuxième réalisation du scénariste Francis Veber. Il est parti d'une idée simple, celle d'un malchanceux congénital, lancé dans les paysages photogéniques du Mexique, et flanqué d'un acolyte tout à l'opposé. Pierre Richard-Gérard Depardieu : le contraste est amusant, l'effet garanti, le succès a suivi. Plus classique dans la gaudriole, décourageant la critique, Claude Zidi a emmené ses Sous-doués en vacances à Saint-Tropez, et ses fidèles l'ont suivi sans réticence, comme sur les autoroutes du mois d'août. Claude Berri, en revanche, a cherché à pimenter son Maître d'école, incarné par un Coluche pour une fois sans vulgarité, d'un zeste de réflexion sur l'éducation des enfants et la tolérance, et, si les amateurs de gros rires sont restés un peu sur leur faim, les autres ont été agréablement surpris.

Côté rire toujours, Louis de Funès, malgré (ou à cause de ? les deux comédiens ne jouant pas sur le même registre) la présence à ses côtés d'un excellent Jean Carmet, n'a pas atteint les sommets du box-office, pour une fois, dans une Soupe aux choux bien indigeste.

Enfin, l'année a vu l'éclosion de quelques films directement inspirés par l'humour du café-théâtre, et dont quatre, au moins, ne manquent pas d'un petit charme : Les hommes préfèrent les grosses, de Jean-Marie Poiré, Ma femme s'appelle reviens, de Patrice Leconte, Quand tu seras débloqué fais-moi signe, de François Leterrier (on espère qu'il n'est pas responsable du titre), et Pour cent briques t'as plus rien maintenant, d'Edouard Molinaro. Il est vrai que dans ce petit charme, les comédiens, Josiane Balasko, Michel Blanc, Gérard Jugnot, Anémone, tous venus du café-théâtre, sont pour beaucoup.

Côté polar, c'est l'offensive : ils ont été une dizaine de metteurs en scène confirmés à choisir, cette année, ce genre, il est vrai sans risque, car, plus l'on fait feu à l'écran, plus le public s'enflamme. Les deux superstars de notre cinéma se sont d'ailleurs affrontées par tueurs interposés : Belmondo, dans Le professionnel, l'a emporté au box-office, aidé il est vrai par le métier de son metteur en scène Georges Lautner. Delon, dans Pour la peau d'un flic, n'a cependant pas démérité puisqu'il a, lui-même, signé le film qui lui donne la vedette et dans lequel il révèle une nouvelle jeune comédienne, Anne Parillaud. Le même Delon a cependant préféré, ensuite, s'adresser à Robin Davis pour le diriger, face cette fois à une autre star, Catherine Deneuve, dans Le choc. À dire vrai, flic, choc et pro sont parfaitement interchangeables, tant chaque film s'est voulu strictement stéréotypé. Qu'importe ; personne ici ne cherche autre chose que du cinéma de divertissement hautement rentable et le contrat est rempli, même si nos deux superstars risquent, à la longue, de lasser dans leurs rôles à jamais figés.

Plus ambitieux, en revanche, Le choix des armes, d'Alain Corneau, et Espion lève-toi, d'Yves Boisset, cherchent à introduire dans leur scénario des éléments un peu plus sophistiqués, la dérive d'un loubard (Depardieu) désespéré dans l'un, le jeu ambigu des services d'espionnage dans l'autre.

Mais, malgré leur plateau impressionnant (Montand, Depardieu, Deneuve dans l'un, Ventura, Piccoli dans l'autre), aucun ne renouvelle vraiment le genre. Pas plus que le naïf Mille milliards de dollars qu'Henri Verneuil a voulu concevoir comme une dénonciation de la toute-puissance des multinationales — un beau sujet ! — et qui, malgré ou à cause de Patrick Dewaere, absolument pas convaincant dans la peau d'un journaliste à la Washington Post, et en raison surtout de dialogues affligeants, manque totalement sa cible.

Climat

Plus intéressant, le film de Laurent Heynemann, Il faut tuer Birgit Haas, rend bien le clair-obscur équivoque et finalement impitoyable des professionnels de l'espionnage : il y a là, merveilleusement rendu par Philippe Noiret et Jean Rochefort, un climat très prenant. Climat qui fait, également, toute la séduction du Garde à vue de Claude Miller, entièrement fondé sur l'affrontement d'un commissaire de police et d'un coupable présumé. Un huis clos dialogué par un Audiard éblouissant — et sobre — et que Lino Ventura et surtout Michel Serrault transforment en un magistral jeu du chat et de la souris. C'est encore le climat, tout d'ambiguïté cruelle et feutrée, remarquablement fidèle à celui de la romancière Patricia Highsmith dont il s'est inspiré, que Michel Deville a su tisser avec une intelligence rare dans Eaux profondes, un film qui n'a pas eu la carrière qu'il aurait méritée. Climat encore, tout de conformisme apparent, de mesquinerie provinciale et de folie masquée, que celui des Fantômes du chapelier, qui conviennent beaucoup mieux à Claude Chabrol que les sabots du Cheval d'orgueil.