Ni l'aide économique, financière et militaire accordée au GUNT par la France, ni la mise en place au Tchad d'une force neutre inter-africaine de maintien de la paix constituée d'éléments nigérians, sénégalais et zaïrois, sous l'égide de l'OUA, ni les atermoiements de Goukouni Oueddeï ne sont venus à bout de la pugnacité d'Hissène Habré. Bénéficiant de certaines facilités de transit pour ses partisans et de l'appui diplomatique du gouvernement soudanais, ce dernier, qui avait un moment trouvé asile au Soudan occidental, est très rapidement passé à l'offensive, ne cessant de gagner du terrain.

En janvier 1982, c'est la ville d'Ati qui est encerclée par les FAN. En dépit de la demande de renforcement de la force interafricaine formulée par Goukouni Oueddeï, alors en visite au Soudan où il obtient du général Nemeiry la promesse d'un certain désengagement, H. Habré cherche à s'imposer comme le nouvel homme fort. Les autorités de N'Djamena s'inquiètent à juste titre, dès cette époque, de la vigueur de l'offensive des FAN.

Isolement

C'est également en janvier que tombe Faya-Largeau, centre névralgique du Borkou-Ennedi-Tibesti, ville natale d'Hissène Habré, capitale administrative du Nord. Aussitôt après cet important succès militaire des FAN, Khartoum tente, sans parvenir à convaincre Goukouni Oueddeï, de pousser les FAP à négocier. Rassuré par le soutien que lui accorde la France, qui vient, huit mois après avoir fermé sa représentation diplomatique au Tchad, de nommer en janvier un nouvel ambassadeur, le président du GUNT décide de passer à la contre-offensive. D'autre part, quatre mois après l'arrivée dans son pays des premiers casques bleus africains, Goukouni Oueddeï engage l'épreuve de force avec l'OUA qui lance un appel au cessez-le-feu pour le 28 février.

En réalité, c'est un véritable défi à l'Organisation panafricaine que constitue l'attitude du chef de l'exécutif tchadien. En rejetant en bloc la proposition de cessez-le-feu, celle de négociations entre les deux parties et la tenue d'élections législatives et présidentielles entre le 1er mai et le 30 juin, date prévue pour le retrait de la force interafricaine, Goukouni Oueddeï commence à se couper de ses pairs africains.

Tandis qu'il renouvelle ses critiques contre l'OUA, les FAN, après avoir conquis le Tibesti, s'emparent du Kanem. Continuant obstinément à ignorer les ralliements aux FAN qui se multiplient dans les rangs des troupes gouvernementales, faisant table rase du point de vue de certains de ses ministres, dont Dalwa Kassire Coumakoye (Justice) qui crée un nouveau parti en février et exige l'organisation d'élections générales, le président du GUNT affirme toujours — contre toute logique — que la seule solution à la guerre civile est militaire.

Paris suspend en février 1982 son aide en armements à N'Djamena, tandis que, quelques semaines après le Soudan, l'Égypte, deuxième alliée africaine de Hissène Habré, normalise ses relations avec Paris. À ce moment, Goukouni Oueddeï bénéficie encore du soutien des FAT de A. Kamougue et de celui d'Acyl Ahmat, ministre des Affaires étrangères du GUNT, leader du Conseil démocratique révolutionnaire (CDR). Mais les victoires militaires remportées à Oum Hajjer et Am-Dam par Hissène Habré introduisent la division dans le camp de ses adversaires.

Abandon

Dès avril, Kamougue critique violemment le GUNT, avant de s'enfermer dans le Sud, où son leadership est vivement battu en brèche puisqu'en juin il doit, de son côté, faire face à une rébellion dans son fief de Sarh (ex Fort-Archambault). Acyl Ahmat, lui-même, considéré avec quelque excès, semble-t-il, comme pro-libyen, donne des signes persistants d'indiscipline.

L'OUA refuse de se plier aux exigences de N'Djamena et entend se confiner dans un rôle de stricte neutralité. La nomination en mai 1982 de Kamougue à la présidence d'un Conseil d'État fantomatique n'est qu'une péripétie sans signification ni lendemain. Il en est de même de l'installation d'un nouveau Premier ministre, Djidingar Dono Ngardoum, personnalité dépourvue de toute autorité.