Dossier : la langue française dans le monde

« Il y a 100 ans, les deux tiers des personnes qui lisaient dans le monde savaient lire en français. Actuellement, cette proportion est d'environ un dixième, et elle sera dans 20 ans d'un cinquantième. » Ce ne sont pas là propos de futurologues pessimistes. Le constat a été très officiellement établi le 14 septembre 1979 par le président Giscard d'Estaing, au cours d'une interview à Paris-Match. Nul ne pouvait souligner avec plus de force le déclin, apparemment irréversible, de la langue française.

Naguère lingua franca du monde civilisé, la langue de Molière a perdu son statut international privilégié au profit de la langue anglaise.

Langue des élites européennes, le français a longtemps régné en souverain sur les cours royales et dans les relations diplomatiques. C'est pourquoi William Penn n'hésitait pas, en 1689, dans son Essai pour une paix présente et future en Europe à proposer le français comme langue européenne.

Lexique

Langue maternelle : langue parlée dans le milieu où l'on est né.

Langue vernaculaire : langue propre à une ethnie.

Langue véhiculaire : langue de communication entre des peuples ou ethnies dont la langue maternelle ou vernaculaire est différente.

Langue nationale : langue maternelle ou vernaculaire ou véhiculaire de la population ou d'une importante partie de la population d'un pays.

Langue d'enseignement : langue dans laquelle est prodigué l'enseignement de la plupart des matières scolaires ou universitaires.

Langue officielle : langue utilisée exclusivement par les pouvoirs publics d'un pays, conformément à la Constitution.

Diplomatie

Du xive au xviiie siècle, les monarques — notamment en Prusse (Frédéric II), en Autriche-Hongrie (Joseph II), en Russie (Catherine II) — s'exprimaient de préférence en français. Édouard III d'Angleterre et, bien entendu, Bernadotte de Suède ne pratiquaient d'ailleurs pas d'autre langue.

Utilisé pour la première fois en 1714 pour la rédaction d'un traité (celui de Rastatt), le français s'impose vite comme seule langue diplomatique européenne. La Prusse (jusqu'en 1862), la Russie rendent son usage obligatoire pour les relations politiques internationales. En 1882, la Triple-Alliance conclue par l'Allemagne et l'Autriche-Hongrie et l'Italie, et dirigée contre la France, est paradoxalement rédigée en français.

Le recul s'amorce en 1919, quand Georges Clemenceau accepte que le traité de Versailles soit bilingue français-anglais. La Conférence navale de Washington adopte en 1921 l'anglais comme seule langue de travail. La Seconde Guerre mondiale entame encore plus les positions du français.

Les traités de paix avec l'Italie, la Hongrie, la Roumanie et la Bulgarie sont rédigés en anglais, en russe et en français ; mais, seules, les deux premières versions ont force de loi. Et le traité de San Francisco avec le Japon ne comporte qu'un seul texte officiel, en anglais.

Cette situation globalement défavorable — en dépit de quelques indices encourageants tels que la rédaction en farsi, en anglais et en français, de l'accord irano-américain du 19 janvier 1981 sur les otages — va se refléter dans les institutions internationales de l'après-guerre.

ONU

Dès l'origine, le français jouit à l'ONU, au même titre que l'anglais, d'un statut prééminent. Ces deux langues sont en effet, en vertu d'une résolution adoptée en 1946, à la fois langues officielles et langues de travail de l'Assemblée générale. Mais, progressivement, de 1948 à 1973, l'espagnol, le russe et le chinois, autres langues officielles, deviennent aussi langues de travail. L'arabe rejoint à son tour, en 1973, le peloton de tête.

Au sein de l'organisation mondiale, la langue française ne doit pas seulement compter avec un nombre croissant de concurrents. La pratique, discriminatoire, tend à faire systématiquement prévaloir l'anglais, dans trois secteurs clés : le recrutement, la documentation et l'information. La Revue des parlementaires de langue française le dit très clairement : « La connaissance de l'anglais étant devenu un critère essentiel du choix des candidats à des postes de responsabilité, le secrétariat des Nations unies fut rapidement peuplé d'une majorité d'anglophones… En outre, plus de 90 % des notes et documents circulant au secrétariat étaient rédigés en langue anglaise et la traduction en français se faisait avec retard. Enfin, les comptes rendus des déclarations, des discours et des conférences de presse n'étaient publiés que dans une seule langue : l'anglais. »