Dans un registre bien différent, le généreux Pull-over rouge de Michel Drach, qui reprend, après Gilles Perrault dans son livre, l'analyse du procès expéditif au terme duquel un jeune homme, Christian Ranucci, a été exécuté pour un meurtre (celui d'une fillette) qu'il n'avait peut-être pas commis. Film volontairement commercial, voire raccoleur, mais nouvelle pièce au dossier de la peine de mort, et qui a eu maille à partir avec une injuste censure. On y a découvert un comédien inconnu et saisissant, Serge Avedekian.

En troisième lieu et à l'opposé, le ravissant, diaphane Voyage en douce de Michel Deville, très littéraire (le scénario en a d'ailleurs été conçu par une dizaine d'écrivains), nous a emmenés dans l'intimité de deux jeunes femmes en rupture d'hommes pendant une brève parenthèse méridionale. Dominique Sanda et Géraldine Chaplin y sont délicieuses.

Quant à Marie-Christine Barrault, qui semble avoir le vent en poupe, en attendant d'être découverte dans le nouveau film de Woody Allen elle apporte beaucoup au très joli récit de Charlotte Dubreuil, Ma chérie, chronique de la recherche parallèle de l'autonomie chez une jeune mère et sa fille adolescente. Sensible et juste, ce film, l'une des rares révélations de l'année, a permis en outre de découvrir une jeune comédienne brune à la présence éclatante, Béatrice Bruno.

L'adolescence, elle, a bien sûr inspiré cette année encore de nombreux films. Mais le filon a été tellement exploité que le public, décidément plus critique qu'on ne le pense parfois, semble lassé. C'est sans doute ce qui explique le relatif insuccès de Cocktail Molotov, deuxième film de Diane Kurys. Et aucune des premières œuvres bâties sur les souvenirs d'école et d'amours enfantines n'a su, cette saison, s'imposer. En revanche, c'est en plongeant dans les réalités politiques et sociales que deux nouveaux réalisateurs ont attiré sur eux l'attention : Daniel Colas, avec Ras-le-cœur, chronique d'un couple de jeunes chômeurs poussés à la malhonnêteté, et, surtout, Stéphane Kurc, avec L'œil du maître, assez bonne analyse des mécanismes de censure à la télévision.

Il faut enfin noter, cette année, l'hommage — c'est rare — rendu au cinéma d'animation par le prix Delluc attribué au très joli film de Paul Grimault, Le roi et l'oiseau, conçu avec Prévert le poète et achevé après plus de vingt-cinq ans de patience et d'obstination.

Statistiques 1979

– Production : 242 films, contre 327 l'année précédente. Mais ce recul sensible est à corriger : sur ce total, on compte 68 films classés « X », contre 142 l'année précédente. La production « normale », donc, n'a que très faiblement régressé : 174 films, contre 184 en 1978.

Sur les 178 films « hors porno », on compte cette année 48 coproductions (contre 44 l'année précédente). Et l'on observe une progression du nombre des films à gros budget (17 films ont coûté plus de 10 millions, contre 10 en 1978).

– Spectateurs : 176 400 millions de spectateurs, soit une baisse de fréquentation de 0,5 % sur 1978. À noter : la progression de l'audience des films français, qui se sont assuré 50 % de fréquentation, contre 46 % en 1978, et le relatif tassement des films américains (29 % du marché au lieu de 32 %).

– Recettes : 2 288,761 millions. En hausse de 9,14 % par rapport à 1978.

– Premières œuvres : 37 (contre 47 l'année précédente).

– Courts métrages : 355 (contre 505 l'année précédente).

– Salles : 4 523 (contre 4 464 l'année précédente).

– Salles classée « art et essai » : 669.

– Coût moyen d'un film : 4,17 millions (contre 2,36 millions en 1978). Cette augmentation est due au petit nombre de films « X ».

États-Unis

C'est sans équivoque : les deux films qui ont dominé la saison cinématographique et qui viennent en tête du box-office — juste derrière l'inévitable Walt Disney (cette année la reprise du Livre de la jungle) — sont américains : Apocalypse now, de Francis Ford Coppola, et Manhattan, de Woody Allen. Ils sont directement suivis par Moonraker, nouveau James Bond de Lewis Gilbert, Kramer contre Kramer de Richard Benton et Alien, suspense spatial fantastique de Ridley Scott, remarquablement mené dans de superbes décors inspirés par le dessinateur suisse Geiger. Soit six films made in USA sur les huit premiers : on ne peut que constater l'écrasante supériorité du cinéma américain, ratifiée à Cannes par la (demi-) palme d'or de Que le spectacle commence de Bob Fosse. Un cinéma où l'ombre de la crise semble s'éloigner et qui, à nouveau, s'emploie à jouer sur tous les tableaux.

Fresque lyrique

Épopées spatiales ou comédies musicales, chroniques intimistes ou (mais oui !) westerns, films de guerre ou mélos romanesques, la gamme est large et le temps est bien fini où Hollywood cherchait à faire sortir les téléspectateurs de leur trou en leur offrant surtout de grandes machineries spectaculaires, truffées de catastrophes. Il faut s'avoir s'arrêter avant de lasser. C'est ce que les professionnels d'outre-Atlantique ont bien compris. Il suffit de voir le (relatif) échec, en France du moins, de Star Trek, de Robert Wise, dernier avatar du space-opera, pour convenir que l'analyse était bonne.