Remède apparemment banal, le bismuth s'est révélé moins inoffensif qu'on ne le croyait. Selon une enquête de l'INSERM, depuis 1974 il a causé en France, chez plusieurs centaines de personnes, des lésions cérébrales, mortelles dans 74 cas. On lui attribue aussi des arthropathies de l'épaule, dues à la détérioration de la tête de l'humérus. À l'étranger, où il est utilisé à des doses bien moindres, on n'a pas relevé d'accidents graves causés par le bismuth, sauf en Australie.

Mystère

Son utilisation a été graduellement restreinte entre 1974 et 1978 : obligation d'une ordonnance, puis réduction à 15 jours de la validité de l'ordonnance. En quatre ans, la consommation annuelle en France est tombée de 1 000 t à 100 t. Pourtant, le nombre des cas de lésions cérébrales imputées au bismuth a augmenté et leur aire de dispersion s'est élargie dans la région parisienne, l'Ouest et le Sud-Ouest.

Les données cliniques prouvent qu'il y a un lien direct entre les lésions cérébrales et le bismuth. Sa présence dans le sang et les urines montre que les sels de bismuth, réputés jusqu'ici insolubles, sont devenus solubles et ont franchi la barrière intestinale. Mais les multiples recherches effectuées depuis quelques années n'ont apporté aucune explication sur le mécanisme des atteintes neurologiques. On n'a pu incriminer ni les nouvelles manières de préparer le bismuth, ni un produit toxique associé, ni une interaction médicamenteuse, ni le régime alimentaire, ni les doses ou la durée du traitement. Pour expliquer le changement de nature des sels de bismuth qui leur permet de passer dans le sang, on a supposé l'intervention d'agents pathogènes : virus ou bactéries. Mais, pour le moment, le mystère reste entier.

Après un an d'interdiction totale, la commission technique de pharmacovigilance devra, en septembre 1979, se prononcer à nouveau sur l'utilisation des sels insolubles de bismuth, en tenant compte des nouveaux éléments recueillis par l'INSERM et par les centres hospitaliers de pharmacovigilance.

Clofibrate

Il y a une dizaine d'années, on a mis beaucoup d'espoirs dans les médicaments à base de clofibrate, substance qui abaisse le taux de cholestérol dans le sang et diminue ainsi le risque de formation d'athéromes sur la paroi artérielle.

Des millions de personnes sont traitées quotidiennement en 1978-1979 par des dérivés du clofibrate ; en France, on en compte environ 500 000. D'où l'inquiétude causée par la décision de l'Allemagne fédérale de retirer du commerce, à partir du 15 janvier 1979, toutes les spécialités contenant du clofibrate. Motif : cette substance a des effets secondaires sur les voies digestives et le foie, en particulier ; en augmentant l'excrétion du cholestérol dans la bile, elle accroît le risque de formation des calculs biliaires et l'apparition de lésions des tissus intestinaux.

Prudence

C'est une enquête épidémiologique menée pendant cinq ans en Grande-Bretagne, en Tchécoslovaquie et en Hongrie qui a remis en question le rôle du clofibrate. L'étude était destinée à évaluer l'incidence de l'infarctus du myocarde et le taux de mortalité des maladies coronariennes. Elle portait sur environ 10 000 sujets de sexe masculin, âgés de 30 à 59 ans au début de l'enquête et dont aucun n'avait souffert d'un infarctus. Un tiers des sujets, à fort taux de cholestérol, était traité au clofibrate ; ceux du deuxième groupe, également à taux élevé de cholestérol, recevait un placebo, substance neutre substituée au médicament à l'insu du malade pour contrôler les effets psychologiques du traitement. Les sujets du troisième groupe avaient un taux de cholestérol normal.

Les premiers résultats de l'enquête sont décevants ; au lieu des 15 % escomptés, le clofibrate ne fait baisser le taux de cholestérol que de 9,5 % en moyenne. Pour les accidents cardio-vasculaires, il assure une action préventive effective dans les cas non mortels : le taux d'incidence est abaissé de 20 % en moyenne et de 35 % chez les sujets à haut risque (fumeurs, hypertendus). En revanche, le clofibrate n'a pas d'effet sur le taux de mortalité, sinon une légère augmentation due à des causes non coronariennes.