Théoriquement, il n'y a pas de limites à ce gonflage de l'atome. À condition de l'irradier avec des photons de fréquence appropriée, un électron peut sauter d'une orbite quantique à une autre, s'éloignant toujours davantage du noyau, et, pour finir, être placé dans l'état de Rydberg.

Dans les conditions terrestres, cet état est instable : en un millième de seconde, l'électron retombe à son niveau fondamental. Mais on a détecté dans l'espace interstellaire un grand nombre de ces atomes géants, et on en produit maintenant en laboratoire en utilisant soit le rayonnement laser, soit le bombardement par électrons ou faisceaux d'ions. L'étude de leurs propriétés spectroscopiques apporte de précieux enseignements sur la structure interne de l'atome. Il se peut qu'elle trouve des applications pratiques comme la séparation des isotopes de l'uranium (dont les orbites quantiques diffèrent légèrement) ou la détection des rayonnements électromagnétiques de très grande longueur d'onde (auxquels les états de Rydberg sont très sensibles).

Nestor mesure la vie du neutron

Les anneaux de stockage sont des dispositifs à l'intérieur desquels des particules chargées (électrons ou protons) sont maintenues et tournent indéfiniment sous l'action de champs électriques et magnétiques, jusqu'au moment où on les défléchit à des fins expérimentales. Le neutron ne portant pas de charge électrique, il semblait impossible de stocker par ce moyen des neutrons libres. C'est pourtant ce qui a été réalisé, fin 1978, à l'institut franco-allemand Laue-Langevin de Grenoble.

Alors que le proton a une durée de vie infinie, le neutron, qui constitue l'autre composant du noyau atomique, n'est stable qu'à l'intérieur du noyau. Libre, il ne vit que quelques minutes avant de se désintégrer en donnant un proton, un électron et un neutrino. Jusqu'ici, on n'avait pas pu mesurer de façon sûre la durée de vie moyenne des neutrons libres, à cause de l'impossibilité de les conserver assez longtemps pour observer commodément leur désintégration.

C'est cette difficulté qui a été résolue grâce à un anneau de stockage baptisé Nestor, construit à l'université de Bonn et installé auprès du réacteur à haut flux neutronique de Grenoble. Si le neutron n'a pas de charge électrique, il possède cependant un très faible moment magnétique qu'on a réussi à utiliser pour confiner des neutrons grâce à un champ magnétique à très fort gradient créé par un aimant supraconducteur. Certaines expériences ont duré jusqu'à 45 minutes.

On a trouvé que la vie moyenne du neutron libre est égale à 907 secondes, avec une approximation de 70 secondes en plus ou en moins. Un nouveau mécanisme de production de neutrons ultra-lents, permettant d'en stocker mille fois davantage, devait, espérait-on, aboutir dans le courant de l'année à une meilleure précision de la mesure.

L'homme

Archéologie

L'affaire d'Orléans et la crise des fouilles urbaines

Des ossements vieux de plusieurs siècles emportés par camions à la décharge : ce spectacle a fait éclater en décembre 1978 ce qu'on a appelé l'affaire d'Orléans — scandale archéologique selon les uns, affaire montée de toutes pièces selon les autres. Signe en tout cas manifeste d'une crise qui atteint la plupart des villes françaises de quelque importance.

Condamnés

Un peu partout, le centre ancien des villes donne lieu à des aménagements. C'est-à-dire que l'on y détruit, que l'on y creuse. Les vestiges archéologiques portant témoignage sur l'évolution des cœurs urbains depuis 1 500 ou 2 000 ans — en fait, sur les sources mêmes d'une civilisation — sont alors condamnés. Il n'est pas exagéré d'affirmer que la plus grande partie d'entre eux sont détruits sans avoir pu être étudiés. Selon les archéologues spécialisés dans les recherches urbaines, tout doit donc se jouer dans les dix ou vingt ans à venir : avant l'an 2000... Or l'archéologie française n'a pas les moyens de faire face à ce raz de marée. À Orléans, il s'agissait de creuser des parkings au nord et au sud de la cathédrale. Ces opérations faisaient partie de tout un plan de réaménagement du quartier — plan d'ailleurs discuté. Au cœur même d'une ville ancienne, cela devait provoquer inévitablement la destruction de restes archéologiques appartenant à plusieurs époques : d'où une demande de sauvetage archéologique déposée par la direction régionale des antiquités historiques. Des fouilles ont été menées en 1977 et 1978 dans le secteur sud, en 1978 au nord. Pourtant l'affaire a éclaté.