Par ailleurs, le virus animal SV 40, qui avait servi à l'Américain Paul Berg à fabriquer le tout premier génome hybride en 1972, a permis au même chercheur d'obtenir la synthèse d'un des constituants de l'hémoglobine de lapin. Le gène artificiel de la bêta-globine est inséré dans le chromosome de SV 40. Le virus ainsi modifié est introduit dans des cellules rénales de singe en culture et se met à fabriquer de la bêta-globine. Pour l'équipe de Berg, la prochaine étape sera d'induire la synthèse de la protéine à partir du gène naturel.

Anémie

En dehors de la production de médicaments, les méthodes de génie génétique peuvent servir à détecter avant la naissance, et sans mettre en danger la vie du fœtus, certaines maladies héréditaires, telle la drépanocytose ou anémie falciforme (ainsi dénommée parce que les globules rouges qui ne permettent pas l'oxygénation normale du sang sont en forme de faucille). Cette tare, due à des perturbations des gènes de la globine, affecte un pourcentage non négligeable des populations du golfe de Guinée ainsi que 8 % environ des Noirs américains.

L'une des techniques de base du génie génétique, la coupure de l'ADN par une enzyme de restriction, qui a valu à W. Arber, H. Smith et D. Nathans le prix Nobel de médecine 1978, permet de distinguer les individus homozygotes pour la drépanocytose. Chez eux, les segments d'ADN obtenus avec l'enzyme de restriction sont presque deux fois plus longs que chez les individus normaux. Pour les hétérozygotes, les deux longueurs de fragments d'ADN coexistent. Il suffit, pour cette détection, de prélever 15 ml de liquide amniotique.

Assouplissement

Dans le domaine médical, l'intérêt du génie génétique n'est plus à démontrer ; mais il présente une importance au moins égale dans la recherche fondamentale en biologie moléculaire. C'est le seul moyen efficace dont disposent actuellement les biologistes pour comprendre la structure et le fonctionnement des dizaines de milliers de gènes qui constituent le patrimoine héréditaire des organismes supérieurs. Dans la mesure où les méthodes du génie génétique permettront de comprendre les mécanismes de la différenciation cellulaire, elles expliqueront peut-être le cancer, forme pathologique de la différenciation des cellules.

Enfin, on a constaté que des recombinaisons génétiques analogues à celles qui sont provoquées en laboratoire se produisent de façon naturelle entre diverses espèces bactériennes.

Toutes ces raisons, auxquelles s'ajoute le fait qu'aucun accident n'a été constaté depuis la première expérience, réalisée il y a six ans, ont favorisé une modification des attitudes envers ces techniques et un assouplissement très sensible des consignes de sécurité. La nouvelle réglementation américaine dispense les chercheurs de faire agréer leurs expériences au niveau central, à Washington ; il leur faudra seulement l'aval d'un comité local. Les expériences utilisant la souche K 12 ne sont plus justiciables du plus haut degré de sécurité. En Grande-Bretagne, où l'on met l'accent sur une meilleure information du public et sur la participation de non-spécialistes aux commissions de classement, le principal facteur de risque pris en compte est le fait que le gène étranger s'exprime ou non, c'est-à-dire que la protéine dont il commande la synthèse soit produite ou non. Au moment où le génie génétique est sur le point de sortir du laboratoire pour entrer dans l'industrie, une harmonisation totale des règles appliquées dans les divers pays devrait être envisagée.

Industrie

De vastes projets sont en cours d'élaboration pour la prochaine décennie ; ils concernent toute une branche de l'économie qui va de l'industrie pharmaceutique et chimique à l'industrie agro-alimentaire. En France, à la fin de novembre 1978, le président de la République a confié à un comité dirigé par François Jacob le soin de préparer un rapport sur les possibilités d'appliquer à ces secteurs industriels les techniques et les résultats de l'ingénierie génétique. La CEE publiait presque simultanément un rapport soulignant l'intérêt économique de ces méthodes et encourageant les pays membres à entreprendre une révolution industrielle basée sur la biotechnologie.