Dans cette construction plutôt grisâtre, le patronat, qui lors de ses assises nationales (en octobre) veut présenter un visage réformiste, tient à jouer la carte de la politique contractuelle en concluant (à défaut de contrats salariaux) des accords nationaux dans d'autres domaines avec les syndicats. Tous les syndicats ratifient les accords sur la préretraite (13 juin 1977), sur l'indemnisation du chômage partiel ; seules la CFTC, la CGC et FO signent celui sur l'extension de la mensualisation (14 décembre 1977). L'idée d'une 5e semaine de congés payés s'efface rapidement. Le CNPF est plus que réservé.

Dans ce contexte indécis, l'unité d'action CGT-CFDT résiste bien jusqu'aux élections, même après la rupture de la gauche, le 23 septembre. On discerne curieusement qu'elle est plus réelle au sommet qu'à la base.

Échecs

L'année 1977 n'a même pas été finalement une année de grands conflits, même si leur nombre demeure élevé. Ils se soldent généralement par des échecs (les informaticiens du Crédit Lyonnais et de la Caisse d'épargne, les salariés de Montéfibre, les égoutiers de la Ville de Paris ou les techniciens de la Caisse d'allocation familiale de Paris). Partout, les grévistes se heurtent à un durcissement patronal. Seuls quelques demi-succès sont enregistrés : au Parisien libéré et à Manufrance ; çà et là quelques entreprises accordent discrètement quelques concessions.

Situation paradoxale ; alors que l'austérité s'installe et que le redressement se fait attendre, les syndicats n'arrivent pas à cristalliser le mécontentement ou, pire pour eux, n'arrivent pas à le faire déboucher sur des changements politiques.

Stratégies politiques

Pour tous les syndicats, le débat politique entretenu par la campagne électorale se situe à deux niveaux ; le premier, traditionnel, est celui de l'engagement dans la bataille ; le second, plus nouveau dans la mesure où, pour la première fois depuis 1958, la victoire de la gauche est jugée probable, concerne l'attitude des syndicats à l'égard du futur gouvernement d'union de la gauche.

Campagne

L'engagement dans la campagne ne concerne guère que la CGT et la CFDT. Particulièrement attachées à l'indépendance syndicale, FO et la CFTC se cantonnent dans une stricte neutralité. Les deux centrales laissent à leurs adhérents, d'opinions politiques variées, le soin de se déterminer. Pour elles, la sérénité est de mise.

Au lendemain de la rupture entre le PS et le PCF, CGT et CFDT s'efforcent d'abord de jouer les bons offices. Le 7 octobre, le bureau de la CFDT prend l'initiative de rencontrer tous les partis de gauche. La CGT, dès le 27 septembre, déclare : « Nous ne tenons pas à distribuer le blâme ou l'éloge, mais à contribuer à clarifier le fond du débat sur les nationalisations » (déclaration H. Krasucki). Très vite les divergences s'accentuent entre CGT et CFDT. Pour la CFDT, les communistes se trompent en réduisant les causes de la crise « à la dénonciation des grands monopoles ». Les solutions préconisées par les communistes sont trop hexagonales et productivistes. « Il faut en revenir à la question fondamentale, déclare Edmond Maire. Comment changer le type de développement ? » Les cédétistes remettent ainsi au premier plan les thèmes que l'inflation et le chômage avaient rejetés dans l'ombre : une autre croissance, d'autres modes de vie.

Dans une Adresse solennelle aux travailleuses et aux travailleurs de France, la CGT déclare le 18 octobre « il faut que vive le programme commun ». Mais, très vite, ce texte unanimiste laisse place à un engagement patent en faveur du PC. Dès décembre, après une rencontre CGT-PS, Georges Séguy fait grief au PS de ne pas être assez « ferme » contre les monopoles et surtout de refuser « une nationalisation franche des filiales » des neuf groupes visés par le programme commun.

Divergences

À partir de janvier, tout en déclarant vouloir préserver un « minimum commun » (rencontre du 11 janvier 1978), la CGT et la CFDT accentuent leurs divergences. Lors de son conseil national de janvier, la CFDT, pressentant l'échec de la gauche, amorce un tournant stratégique et se déclare prête à négocier avec réalisme. Les dirigeants communistes de la CGT multiplient leurs déclarations de soutien au PC, ce qui suscite des réactions aussi vives qu'inhabituelles parmi ses militants non communistes. L'un d'entre eux, Claude Germon, responsable CGT, ne se présente-t-il pas sous l'étiquette socialiste contre le communiste Pierre Juquin dans l'Essonne ?