Comment peut se produire un tel phénomène ? Pendant longtemps, on a incriminé les pratiques des cultivateurs et éleveurs traditionnels : les abus des chèvres, par exemple. Hypothèse dérisoire quand on constate l'ampleur de la désertification actuelle.

Vitesse

On a aussi invoqué l'aridité croissante du climat. Mais cela même paraît contestable. Il n'existe aucune preuve que le climat du Sahel soit plus aride aujourd'hui qu'en 1920. Cette région a connu en 1913 et 1940 des sécheresses aussi graves sinon plus graves que celle de 1973. La vitesse à laquelle les déserts avancent n'est d'ailleurs pas à l'échelle des grands changements climatique : elle parait bien plutôt à l'échelle humaine.

On ne peut pas dire exactement que « le désert avance ». Il ne s'agit pas d'un front militaire. Si l'on examine la situation dans une région donnée, on voit plutôt des sortes de poches de désertification apparaître à l'intérieur de zones cultivées (parfois assez loin du désert lui-même). Ces îlots de plus en plus désertiques se multiplient peu à peu et grandissent. Ils se rejoignent et rejoignent finalement le désert : celui-ci n'a pas bougé mais se trouve agrandi. Pourquoi ?

Pressions

L'exemple du Soudan est significatif. Dans ce pays, la prospérité relative de la région appelée « ceinture de la gomme arabique » reposait sur un cycle complexe où alternaient années de culture, de pâturage et de jachère. La longueur de ce cycle permettait au sol de reconstituer ses réserves, tandis que les épineux producteurs de gomme, et donc source de revenus, avaient le temps de pousser en même temps qu'ils protégeaient le sol. Sous diverses pressions, ce cycle a été progressivement raccourci, et bientôt les poches ce désertification sont apparues. On voit donc des déserts, aujourd'hui, où il tombe jusqu'à 400 mm de pluies par an.

Ces pressions se retrouvent partout. Elles ne sont en rien liées aux pratiques traditionnelles. Bien au contraire : elles sont liées à la destruction et de ces pratiques et des équilibres naturels qui maintenaient, vaille que vaille, ces régions fragiles dans l'orbe des terres exploitables.

Pression démographique d'abord, due aux progrès de l'hygiène et de la médecine : il faut nourrir toujours plus de monde. Pression économique ensuite : des zones fragiles ont été intégrées brutalement au marché mondial. Et l'on a donc vu s'y développer la monoculture, les cultures dites « marchandes » (arachides et autres), au détriment de la diversité antérieure. Conclusion d'un rapport présenté à Nairobi : « La production sur des dizaines d'années d'une seule espèce végétale a épuisé et désagrégé de nombreux sols semi-arides autrefois bien structurés. » On a vu aussi, avec la multiplication des puits et des forages, les terres se charger en bétail permanent là où, auparavant, les troupeaux des nomades ne faisaient que passer.

Pluies

Les sécheresses agissent ici comme des révélateurs : elles détruisent brutalement l'équilibre de sols déjà profondément déstabilisés. Paradoxalement, et dans le Sahel en tout cas, les années les plus dangereuses sont celles où il pleut beaucoup. Ainsi en a-t-il été avant 1968 : d'où une extension encore accrue des cultures, une surcharge en bétail encore plus grande. Surviennent quelques années sèches et c'est la catastrophe, catastrophe qui n'atteignait pas cette ampleur lors des sécheresses antérieures.

Autre paradoxe : on n'est pas tellement mort de soif pendant cette sécheresse. Des quantités considérables d'animaux se rassemblaient autour des points d'eau. Piétinement et pacage stérilisaient le sol sur des kilomètres à l'entour. La zone dévastée dépassait le rayon d'action d'animaux déjà épuisés qui sont donc morts de faim.

Remèdes

De nombreux projets ont été présentés pour remédier à une situation aussi désastreuse. Une ceinture verte est en cours de réalisation au nord du Sahara, en Algérie. Une autre est projetée au sud, de la Mauritanie au Soudan. On songe à créer des zones pilotes (zones de respect du sol, en quelque sorte). D'autre part, plusieurs pays du Moyen-Orient ont entrepris en commun le recensement de leurs ressources en nappes d'eau souterraines. À côté de la lutte contre le désert proprement dit (menée avec beaucoup de vigueur en Chine), il importe surtout, dans l'immédiat, de protéger toutes ces terres fragiles aujourd'hui menacées, de restaurer les équilibres des sols en voie de désertification. La polyculture est en train de renaître dans certaines régions d'Afrique...

La grande peur nucléaire

Au moment où les mouvements écologiques se dressent un peu partout dans le monde contre le développement de l'industrie nucléaire et la pollution radioactive, quelque 1 150 spécialistes ont discuté à Paris 360 communications relatives à la protection de l'homme, au cours du IVe Congres international de radioprotection (25-29 avril 1977).