Cette enquête multiforme et d'un genre nouveau aboutit effectivement à dresser un tableau culturel de toute la région de Paris à l'âge du bronze, et même, déjà, à en retrouver un peu l'histoire.

Au début de cette époque (première moitié du IIe millénaire avant notre ère), la région parisienne apparaît comme une province un peu lointaine des cultures du bronze relativement brillantes qui se développent alors dans l'Ouest, en Armorique notamment, et en Angleterre. De l'Ouest venait le métal.

Au bronze moyen, l'impression se confirme : la région de Paris est bien alors une province de la culture atlantique. Les haches des Yvelines sont les mêmes que celles de Normandie. Une métallurgie se développe (on trouve des moules, des dépôts). Mais, à la fin de ce bronze moyen, des objets différents apparaissent dans l'est de la région. Vers le xiiie siècle avant notre ère, des objets de type normand sont abandonnés, cachés.

Incinérations

Au début du bronze final, la pression de l'Est semble s'accentuer. Des armes et des parures métalliques nombreuses apparaissent, analogues à celles qu'on a retrouvées en Allemagne du Sud, en Alsace et en Europe centrale. En même temps, s'introduit un type de sépulture nouveau : l'incinération. Le nombre des objets cachés, peut-être aussi celui des objets découverts dans les cours d'eau, suggère que la rencontre entre ces deux cultures n'a pas toujours été pacifique. La culture de l'Ouest résiste. Certains cimetières montrent à la fois des inhumations et des incinérations.

Au milieu du bronze final, la métallurgie atlantique opère un retour en force. Peut-être l'Ouest regagne-t-il du terrain et peut-être est-ce à la force de l'épée (nombreux dépôts abandonnés). Par la suite, à la fin de ce bronze final, la dualité culturelle demeure. Les cartes de répartition des types d'objets (occidentaux-orientaux) montrent curieusement que la frontière devait passer à peu près par le site de Paris. Ce site a livré lui-même un nombre particulièrement grand d'objets : on peut donc penser déjà à une certaine concentration de la population (entre 1200 et 750 av. J.-C).

Peut-être, suggère J.-P. Mohen, faut-il faire remonter à cette époque la naissance de l'agglomération parisienne : mais, loin d'être une capitale, c'était alors une ville frontière entre deux mondes, entre deux cultures, dont les foyers se trouvaient ailleurs.

La préhistoire française prend de l'âge

Les grandes découvertes paléontologiques et préhistoriques d'Afrique et d'Asie ont fait penser que les vestiges d'humanité les plus anciens ne sauraient se trouver en Europe. Or, depuis quelques années, diverses recherches ont fait reculer considérablement les estimations, notamment en France.

Crâne

La découverte du crâne de Biache Saint-Vaast (Pas-de-Calais) a fait remonter à quelque 400 000 ans le plus ancien reste humain qui ne se réduise pas à un fragment. Mais les préhistoriens peuvent désormais remonter beaucoup plus loin dans le temps. Dans la Haute-Loire, près du Puy, les fouilles menées par E. Bonifay à Solignac ont dégagé une structure de pierres que son environnement conduit à dater de 800 000 à 900 000 ans.

La Haute-Loire pourrait devenir, pour l'ancienneté des témoignages humains, l'Afrique orientale de la France. Les fouilles menées à Chilhac, dans la vallée de l'Allier, sont en train de fournir ce qui fut un outillage extrêmement ancien. Il a été découvert par Christian Guth, professeur de paléontologie des vertébrés et de paléontologie humaine à l'université de Poitiers, qui dirige depuis plus de 15 ans les campagnes de fouilles des gisements villafranchiens de la région de Brioude, en particulier celui de Chilhac. Ce gisement comporte notamment deux points fossilifères, Chilhac II et Chilhac III. C'est dans Chilhac III que l'équipe du professeur Guth a trouvé les galets aménagés. D'après la datation par potassium-argon des basaltes du gisement, ces pierres taillées remontent à 1,8 million d'années. Depuis 1977, le professeur Guth s'est adjoint Jean Desse, plus spécialement chargé de la partie archéologique.