Jusqu'ici, les couches préhistoriques ne pouvaient être datées que pour des époques relativement récentes ou très anciennes. La méthode du carbone 14 (Journal de l'année 1968-69) ne donne guère de résultats satisfaisants au-delà de 35 000 ans. La méthode dite du potassium-argon (Journal de l'année 1974-75) ne permet guère de descendre en dessous de 700 000 ans. En dépassant les 100 000 ans, la datation par thermoluminescence commence donc bien à combler ce vide qui gênait beaucoup les préhistoriens.

Il ne s'agit pas ici, comme pour les autres méthodes mentionnées, de mesurer le taux d'un isotope radioactif, mais de mesurer la luminescence obtenue en chauffant un matériau qui avait été déjà chauffé en des temps plus anciens. Le chauffage ancien ayant en quelque sorte vidé le matériau, la luminescence obtenue par le nouveau chauffage doit être proportionnelle au temps écoulé entre les deux opérations. La méthode a d'abord été utilisée, et testée, pour dater des poteries, des briques ou des tuiles. Elle a notamment fourni des dates pour certains objets découverts sur le site fameux et controversé de Glozel. Récemment, on a tenté de dater aussi les pierres chauffées trouvées dans les foyers de sites plus anciens, antérieurs à la poterie. Dès 1973, des grès trouvés dans des couches remontant au magdalénien (dernière culture du paléolithique supérieur en Europe) étaient datés par Max Schvoerer (université de Bordeaux I) de 11 000 à 14 500 ans.

Incertitudes

C'est le même chercheur qui, avec J. P. Romanet, H. Navailles et A. Debénath (directeur des fouilles), a présenté en 1977 la datation du caillou brûlé de l'abri Suard. Toutefois, ces quatre auteurs, dans leur communication à l'Académie des sciences, font état des grandes précautions qu'il est nécessaire de prendre et des incertitudes qui demeurent quant à la précision de la date. L'intensité des chauffages (le premier comme le second) pose en particulier quelques problèmes. Le fonctionnement des pièges à électrons qui se trouvent dans le matériau étudié dépend en effet de la température atteinte et aussi de la durée pendant laquelle cette température a agi. La comparaison avec les dates étalonnées déjà obtenues par cette méthode permettait d'envisager une marge d'erreur d'environ 10 %. L'ancienneté plus grande et le fait que la nouvelle date ne puisse être étalonnée ont conduit les auteurs à envisager une marge de 15 %.

De toute façon, les méthodes de datation absolue ne peuvent que définir une place de temps. Le progrès est donc déjà considérable et l'on attend désormais d'autres dates. La thermoluminescence devrait permettre de remonter encore davantage dans les centaines de milliers d'années, jusqu'à faire sa jonction avec les méthodes géologiques de datation.

Paris, ville frontière à l'âge du bronze

Il fut un temps où la région parisienne n'était pas un centre, un foyer, mais une zone frontière entre deux cultures, peut-être hostiles l'une à l'autre. Cela se passait à l'âge du bronze. Le fait a été connu à la fin de 1977, grâce à une enquête de nature originale, faite pour l'essentiel à partir des collections d'un musée.

Saint-Germain-en-Laye

D'une part, la protohistoire de la région parisienne était mal connue. D'autre part, le musée des Antiquités nationales, à Saint-Germain-en-Laye, possédait, dans ses très riches collections, plus de 700 objets attribuables à l'âge du bronze. L'établissement d'un catalogue entraîna le conservateur Jean-Pierre Mohen à entreprendre toute une enquête sur leur provenance exacte, leur histoire, leur seconde vie (depuis leur découverte), ainsi que sur nombre d'autres objets trouvés dans la région, autrefois ou récemment. Pour le bronze, en outre, avec la radiographie et l'analyse spectrographique, des renseignements particulièrement précieux ont été recueillis sur la fabrication et la composition.

Ainsi beaucoup de notations approximatives ou fausses ont été corrigées, et quelques légendes détruites. Notamment la légende qui, à partir d'armes de bronze découvertes dans la Seine en amont de Paris, établirait qu'une importante bataille navale se serait déroulée à cet endroit... entre Gaulois et Romains, c'est-à-dire en plein âge du fer.