Cette substance sécrétée par l'hypothalamus fait partie des peptides cérébraux récemment découverts par le professeur Roger Guillemin, prix Nobel de médecine en 1977. Elle contrôle la sécrétion de l'hormone de croissance et celle des deux hormones produites par le pancréas, insuline et glucagon, qui règlent le taux du glucose dans le sang. Il avait fallu à R. Guillemin 500 000 cervelles de mouton pour extraire 5 mg de somatostatine ; il a suffi d'environ 100 g d'Escherichia coli pour en fabriquer la même quantité.

C'est la première fois qu'est résolu le problème de l'expression d'un gène de cellule eucaryote (possédant un vrai noyau) par une bactérie, cellule procaryote. La performance, accomplie conjointement par l'équipe du docteur Keiichi Itakura (Los Angelss) et celle du docteur H. W. Boyer (San Francisco), permet dès à présent d'envisager la production commerciale de la somatostatine pour corriger le déséquilibre du système endocrinien et les déficiences métaboliques chez les diabétiques.

Marqueur

Cette réussite récente en génie génétique résulte de plusieurs perfectionnements de la méthode utilisée par le pionnier Paul Borg en 1972. Il s'agit toujours de construire un hybride, mais, comme le rendement est très faible (une molécule sur 100 000 d'ADN étranger pénètre effectivement dans la bactérie), on utilise un marqueur qui permet de repérer facilement les plages correspondant aux bactéries ayant absorbé un morceau d'ADN étranger. Le marqueur choisi est le gène d'une enzyme qui dégrade le lactose et dont la présence est mise en évidence par les réactions colorées spécifiques des produits de la fermentation du lactose. C'est en même temps un gène opérateur, c'est-à-dire qu'il contient une séquence d'ADN, le promoteur, qui permettra la lecture du code par la bactérie et la réplication.

Le gène de la somatostatine est composé d'un petit nombre d'acides aminés (15). Pour faciliter la lecture de ses codons par la bactérie, les généticiens ont reconstitué synthétiquement un gène très voisin, à 14 acides aminés, adapté à Escherichia coli.

Plasmide

Les deux gènes sont couplés et, par l'intermédiaire de deux molécules de liaison, insérés dans une petite structure de la bactérie, de forme annulaire, le plasmide, constitué d'ADN. Le plasmide a été préalablement ouvert en un point précis par une enzyme spéciale, et ses deux extrémités libres présentent des séquences analogues aux molécules de liaison du couple de gènes à insérer. La fermeture du plasmide se fait grâce à une autre enzyme spécifique, la ligase. Un avantage supplémentaire de la nouvelle méthode est qu'on peut récupérer après usage, grâce au marqueur, le plasmide hybride, ce qui réduit d'autant les opérations préliminaires à chaque nouvel essai de production de l'hormone.

Contrairement à l'ordre chronologique des recherches, les travaux sur la synthèse bactérienne de l'insuline sont moins avancés. Un groupe de chercheurs américains est arrivé à cloner le gène de l'insuline du rat : chaque molécule recombinante s'est multipliée plusieurs millions de fois et a donné un clone, une population bactérienne génétiquement homogène. Mais, jusqu'ici, il ne semble pas qu'on ait produit ainsi de l'insuline humaine. Certains auteurs mettent en avant le fait que le gène de l'insuline est plus grand que celui de la somatostatine et donc plus difficile a manipuler et a synthétiser artificiellement.

Risques

La production de somatostatine ou d'insuline par Escherichia coli ne présente pas, en principe, de risques pour l'humanité, et ne soulève pas les craintes éprouvées par les premiers manipulateurs génétiques, qui travaillaient avec un virus cancérogène chez la souris.

Il en est de même du projet de créer des bactéries hybrides qui deviendraient capables, à l'instar du rhizobium des racines de légumineuses, à la fois de fixer l'azote de l'air en le transformant en ammoniac et de vivre en symbiose avec des plantes qui normalement n'ont pas cette possibilité, telles les céréales ou les herbes fourragères. L'obtention de bactéries de ce type permettrait des économies substantielles sur les engrais azotés, de plus en plus coûteux.

Précautions

Certains autres projets de recherche comportent des risques de contamination. Le colibacille Escherichia coli est un hôte normal obligatoire de l'intestin humain. On cherche actuellement soit à utiliser des souches « atténuées » qui ne se multiplient pas chez l'homme, soit à recourir à d'autres bactéries comme Bacillus subtilis.