Le départ de Tahar Belkodja agit comme un détonateur. Les uns après les autres, six ministres démissionnent en signe de solidarité avec le ministre de l'Intérieur, ou pour manifester leur désaccord avec H. Nouira. Habib Chatty, ministre des Affaires étrangères, Mongi Kooli, ministre de la Santé, Moncef Bel Hadj Amor, ministre chargé des relations avec le Parlement, Abdelaziz Lasram, ministre de l'Économie, Mohammed Ennaceur, ministre des Affaires sociales et Ahmed Bannour, secrétaire d'État à la Défense nationale, quittent successivement le gouvernement.

Prenant la relève, une nouvelle équipe s'organise le 27 décembre, autour de quatre acteurs principaux : Mohammed Sayah, directeur du Parti socialiste destourien, Abdallah Farhat, ministre de la Défense, Habib Bourguiba junior, conseiller et fils du président, Hedi Nouira, Premier ministre.

Ce changement ministériel marque un véritable tournant politique. Les partisans du statu quo social et de la fermeté succèdent aux tenants d'une ligne plus souple, qui préconisaient une certaine ouverture. Face à ce durcissement, les oppositions s'organisent, qu'il s'agisse de l'opposition des libéraux (le Parti socialiste démocratique), qui réclame le multipartisme, de l'opposition de l'UGTT, qui réclame des augmentations de salaire et plus de justice sociale, ou de l'opposition plus diffuse d'une grande partie d'une jeunesse instruite, mais sous-employée, qui manifeste son mécontentement en passant du gauchisme marxisant à l'extrémisme musulman.

Le gouvernement trouve une situation sociale difficile. Les phosphates, les chemins de fer, l'agriculture menacent de faire grève. Le 10 janvier 1978, le conseil national de l'UGTT se réunit. Habib Achour annonce qu'il démissionne du bureau politique du Destour. Le 22 janvier, l'UGTT adopte le principe d'une grève générale, décidée pour le 26 janvier dans une atmosphère de fièvre.

Émeutes

Et ce jour-là, au matin, les premiers manifestants s'engagent dans les rues de la médina de Tunis. La police, puis l'armée interviennent et tirent. C'est l'émeute sanglante, qui va vite s'étendre à toute la capitale puis aux principales villes tunisiennes. Pour la première fois depuis vingt ans, le régime du président Bourguiba est mis sérieusement en cause, et, pour la première fois, un climat de guerre et de terreur règne dans les rues de Tunis. Au soir du 26 janvier, il est clair que les forces de l'ordre ont gagné. On annonce 40 morts de source officielle, plus de 100 morts de source syndicale. Il y a de nombreux blessés. Habib Achour est arrêté, ainsi que 10 membres (sur 12) du bureau exécutif de l'UGTT et plusieurs centaines de militants (400 officiellement, 1 000 officieusement). L'autorité militaire décrète le couvre-feu et l'état d'alerte.

La répression est rapide et dure : plus de 150 personnes arrêtées en flagrant délit seront jugées et condamnées en moins d'une semaine. En Tunisie et dans le monde, les milieux syndicaux s'émeuvent. Les trois centrales syndicales françaises, la CISL à Bruxelles, l'UGTA à Alger apportent leur appui aux syndicalistes tunisiens emprisonnés. Le nouveau gouvernement est devant un problème : comment condamner Habib Achour sans trop indisposer la Libye, voisine incommode mais riche, qui fait travailler environ 70 000 Tunisiens, et dont les thèses unionistes arabes fascinent certains dans une Tunisie touchée, comme bien d'autres pays arabes, par un renouveau de foi religieuse ?

Procès

On décide d'une nouvelle politique en deux temps. D'abord renouveler l'UGTT : un mois après les émeutes, un congrès extraordinaire se réunit et élit de nouveaux responsables. Le secrétaire général est Tijani Abid, ex-mineur et député destourien du Kef. En même temps, pour répondre aux revendications essentielles, le gouvernement accepte le principe d'une augmentation générale des salaires. Le SMIC sera augmenté de 11 % à partir du 1er mai 1978, « conformément au pacte national » proposé par le Premier ministre en 1977 (et refusé par Habib Achour).

Le gouvernement déclenche une série de procès contre les opposants de tous bords. Trente personnes proches du MUP (Mouvement de l'unité populaire d'Ahmed Ben Salah) sont condamnées, le 10 août 1977, à des peines allant de 8 ans à 6 mois de prison. Habib Achour et les syndicalistes arrêtés sont inculpés d'atteinte à la sûreté de l'État. Le 17 avril 1978, Ahmed Mestiri, chef de file du PSD (Parti socialiste démocratique) comparaît devant le juge d'instruction pour diffamation du régime et propagation de fausses nouvelles. Le 11 mai, c'est Hassib Ben Ammar, ancien ministre de la Défense, directeur d'Errai, publication du PSD, qui est inculpé de diffamation envers l'armée.

Zaïre

Kinshasa. 25 630 000. 11. 2,8 %.
Économie. PIB (74) : 146. Production (74) : G 122. Énerg. (*75) : 78. C. E. (74) : 36 %.
Transports. (73) : 447 M pass./km, 3 017 Mt/km. (74) : 84 800 + 76 400.  : 107 000 tjb. (75) : 305 M pass./km.
Information. (74) : 4 quotidiens ; tirage global : *45 000. (74) : *244 800. (74) : *7 000. (74) : 23 300 fauteuils ; fréquentation : 1,7 M. (75) : 48 000.
Santé. (73) : 818.
Éducation. Prim. (72) : 3 292 020. Sec. et techn. (73) : 335 203. Sup. (74) : 21 021.
Institutions. État indépendant le 30 juin 1960. République présidentielle. Constitution de 1967, amendée en 1970. Président de la République et chef de l'exécutif : lieutenant général Mobutu Sese Seko, élu pour un troisième mandat le 3 décembre 1977. Premier ministre Kasenda Mpinga. Le 27 août 1971, la République démocratique du Congo prend le nom de Zaïre.

La deuxième guerre du Shaba

Quatorze mois après ce que les dirigeants de Kinshasa appellent la « guerre de 80 jours » (Journal de l'année 1976-77), éclate la deuxième guerre du Shaba.