Au cours d'une tournée en Afrique occidentale en juillet 1977, Louis de Guiringaud révèle déjà, à Abidjan, que les avions français ont servi à transporter des troupes et du matériel pour l'armée tchadienne en difficulté devant les rebelles du Frolinat. Cette aide, purement logistique et de caractère temporaire, est sans commune mesure avec celle que les troupes françaises fourniront en mai 1978 dans la province du Batha, lors des combats de Djedaa, à proximité de la ville d'Ati. Ce sont, cette fois, plusieurs centaines de parachutistes et de marsouins, appuyés par des Jaguar, qui seront directement engagés aux côtés de l'armée tchadienne contre des colonnes rebelles qui tentent une percée sur N'Djamena, située à moins de 400 kilomètres du lieu des combats.

Pressions

Dès fin janvier, le Frolinat accentue sa pression ; le 29, trois militaires français périssent dans l'incendie d'un DC 3 abattu par les rebelles, qui annoncent successivement la prise de deux oasis importantes. Fada et, surtout, Faya-Largeau, préfecture du Borkou-Ennedi-Tibesti, véritable capitale administrative du Tchad septentrional.

L'est du pays est à son tour gagné à la rébellion, en avril. Un premier contingent de 150 coopérants militaires français supplémentaires est acheminé sur N'Djamena et sur Abeche. Après la mort de deux soldats français à Salai, Paris envoie plusieurs centaines de légionnaires et rapatrie les familles de 200 coopérants. Les informations officielles sur le déroulement des opérations d'acheminement des renforts filtrent difficilement ; en haut lieu, on tient à observer une discrétion aussi complète que possible sur cette affaire. Mais, dès cette époque, on parle de 1 200 soldats français engagés, appuyés par une dizaine de Jaguar.

Le Frolinat exige le retrait des forces françaises : c'est un préalable à l'ouverture de toute négociation avec le gouvernement du général Malloum ; cependant, 150 marsouins de la 9e division d'infanterie de marine (DIM) gagnent le Tchad en mai, mois au cours duquel trois soldats français sont blessés, dont l'un mortellement.

La rébellion, longtemps présentée comme une simple dissidence des tribus toubbou, n'a cessé de gagner du terrain. Hier cantonnés aux parties semi-désertiques du Nord, les rebelles contrôlent en fait plus de la moitié du territoire national. Aussi est-il devenu inexact de parler de « rébellion toubbou » dans la mesure où de nombreuses autres ethnies se trouvent impliquées dans la lutte contre le régime de Malloum, finalement aussi isolé désormais que l'était celui de Tombalbaye, en avril 1975 au moment de sa chute. Sans les querelles intestines qui le paralysent, le Frolinat aurait sans doute depuis longtemps pris le pouvoir.

Otages

Quelques mois à peine après la libération des époux Claustre, éclate, le 18 janvier 1978, une nouvelle affaire d'otages. Un Français, Christian Masse, et un Suisse, André Kümmerling, sont enlevés par des rebelles qui les retiendront prisonniers jusqu'au 14 avril. Les ravisseurs disent appartenir à une mystérieuse troisième armée, alors que les dirigeants du Frolinat affirment tout ignorer de cette affaire. Ceux qui retiennent les deux jeunes gens exigent, pour les relâcher, le rappel de tous les coopérants français du Tchad. Après avoir menacé de fusiller leurs otages, si leurs exigences ne sont pas satisfaites, ils finiront cependant par les libérer sans conditions. De longues négociations, dans lesquelles le gouvernement tchadien a brillé par son absence, ont permis cette heureuse issue. Alors que dans l'affaire Claustre la Libye avait joué un important rôle de médiation, dans ces nouvelles circonstances c'est le Nigeria qui dénoue le drame.

En revanche, le gouvernement de Tripoli mène véritablement un double jeu à l'égard du gouvernement de N'Djamena. Tandis que le colonel Khadafi fournit armes, matériel, vivres, médicaments aux rebelles, il prétend offrir ses bons offices aux deux parties en présence, sans pour autant restituer la bande d'Aouzou, partie septentrionale du territoire tchadien, qu'il a arbitrairement annexée à la Libye (Journal de l'année 1976-77). Les dirigeants libyens ne se contentent pas de dominer la situation militaire, ils entendent également mener à leur gré un ensemble d'habiles manœuvres diplomatiques. Notamment en prenant le relais des Soudanais qui, le 22 janvier, ont annoncé la conclusion à Khartoum d'un premier armistice entre le gouvernement tchadien et le chef toubbou Hissène Habré — armistice resté sans effet.

Sebha

Un accord de cessez-le-feu « entre les parties en conflit » est annoncé le mois suivant à Tripoli — et aussitôt contesté par le Frolinat. Dans la deuxième quinzaine de février, à l'initiative de Khadafi, les présidents Malloum, Kountche (Niger) et Nemeiry (Soudan) se rencontrent dans l'oasis libyenne de Sebha, puis Jean François-Poncet se rend à Tripoli. La conférence de Sebha permet, le 23 février, la reprise des relations diplomatiques tchado-libyennes, rompues le 6 du même mois par le gouvernement de N'Djamena.