De Divonne-les-Bains, où les deux couples se sont installés, Hervé de Vathaire apprend qu'une plainte est déposée contre lui. Il renvoie Bernadette Roels à Paris, munie d'un résumé en 16 pages du fameux dossier. Puis, il disparaît sans laisser de trace, comme Jean Kay, qui, lui, garde les 8 millions !

Malgré l'importance de la somme subtilisée, Marcel Dassault, le 10 août, retire sa plainte contre Hervé de Vathaire « à la demande de la famille, dira-t-il plus tard, et en souvenir de 25 ans de collaboration ».

Les deux hommes sont à nouveau réunis (mais par l'actualité) le 8 septembre. Ce jour-là, Hervé de Vathaire rentre de Corfou, où il s'était réfugié tout l'été, et se constitue prisonnier. Marcel Dassault tient la vedette sur TF1 où il a accepté de s'expliquer.

« Je suis une pauvre victime », dit-il, en considérant cependant comme « accessoire » le détournement de 8 millions de F. Quant au dossier, le constructeur d'avion en minimise le contenu.

L'hebdomadaire le Point en publie pourtant, le lundi suivant, la copie du résumé remis à Bernadette Roels en juillet. Il y est question de fraude fiscale, portant sur 1 milliard 500 millions de F. Du coup, Hervé de Vathaire et ses 8 millions passent au second plan. Chacun pour des raisons différentes, les groupes socialistes et UDR demandent à l'Assemblée nationale la création d'une commission d'enquête sur l'utilisation des fonds publics confiés à Marcel Dassault. Commission qui sera créée, mais étendue à l'ensemble de l'industrie aéronautique. Elle confirmera que le Groupe Dassault a fait l'objet en quelques années de plusieurs redressements fiscaux, pour 110 à 120 millions de F, mais « n'a pas bénéficié de privilèges exorbitants ».

Au terme d'un procès discret, la 13e chambre correctionnelle de Paris condamne pour escroquerie, le 6 avril 1977, Hervé de Vathaire à 4 ans de prison ferme et 10 000 F d'amende. L'ancien comptable de Dassault demande sa mise en liberté quelques semaines plus tard.

Quant à Jean Kay (qui a vraisemblablement manipulé le naïf Hervé de Vathaire), on l'a dit au Liban combattant dans les rangs des phalangistes, on l'a cherché en France, en Belgique. La veille du procès de son ami, il écrit à la presse pour disculper celui-ci « d'une faute qu'il n'a pas commise ». Et il confirme que 5 des 8 millions dérobés à Marcel Dassault (les 3 autres ont été récupérés dans des banques suisses) ont été investis pour « une certaine cause ». Lui seul sait laquelle, comme lui seul sait exactement ce qu'il y a dans le dossier concernant le Groupe Dassault.

Le rapt du P-DG de Fiat-France

Luchino Revelli-Beaumont, 58 ans, est enlevé en plein Paris, le 13 avril 1977 au soir, devant son domicile, rue de la Pompe. Sous la menace de leurs revolvers, deux hommes le poussent dans une R 12 jaune, tandis que deux complices tentent de s'emparer de son chauffeur Henri Millot. Mais celui-ci se débat, est assommé à coups de crosse et finalement abandonné par ses agresseurs qui s'enfuient. Henri Millot sera le principal témoin de l'affaire.

Bon patron

Le lendemain, le rapt est revendiqué par un certain Comité de défense des travailleurs italiens en France, qui réclame une rançon de 3 millions de F et des mesures sociales en faveur des chômeurs italiens en France. On s'aperçoit très vite que ce mystérieux mouvement est inconnu en France et en Italie. Les jours, les semaines passent sans qu'un contact s'établisse entre les ravisseurs et la famille Revelli-Beaumont. Toutes les hypothèses sont envisagées par la police : rapt politique, crapuleux...?

L. Revelli, calme et courtois, simple mais raffiné, n'est pas, selon ses proches, un homme politiquement engagé. Ses collaborateurs le présentent tous comme un bon patron, d'humeur plaisante et doué d'une grande force de caractère. Certes, il a été directeur de Fiat en Argentine, pays des Tupamaros ; mais, là non plus, il n'a pas pris de positions susceptibles de lui valoir une inscription sur les listes noires des révolutionnaires.

C'est donc l'hypothèse du rapt crapuleux que retient la police. H. Agnelli, P-DG de Fiat-France, précise que « pour éviter de créer un précédent dangereux, il évitera de participer à toute tractation avec les ravisseurs ». En bref : Fiat ne paiera pas de rançon.

Coup de théâtre

Les ravisseurs, à la fin du mois de mai, envoient, à deux reprises, aux journaux une photo de L. Revelli, accompagnée d'un tract d'un certain Comité pour l'unité socialiste révolutionnaire qui annonce la condamnation et le prochain châtiment du prisonnier.