La sécheresse (il faut remonter à 1921 pour retrouver un phénomène d'une ampleur identique) est exceptionnelle, tant par sa durée que par son intensité. Le déficit pluvio-métrique, qui dépasse, par rapport à la normale établie sur trente ans, 60 % dans certaines régions, commence en décembre 1975 et ne cesse qu'en septembre 1976.

Les productions les plus touchées sont celles des prairies et des cultures fourragères (le déficit est de 50 à 60 %). Viennent ensuite les céréales de printemps (maïs : – 32 %) et les légumes (– 40 %).

Mais les productions animales échappent à la catastrophe prévue. Plus d'un million de tonnes de paille sont transportées des régions céréalières vers celles d'élevage. Les pouvoirs publics insistent auprès des éleveurs pour qu'ils ne suppriment par leur cheptel. L'automne doux et pluvieux stimule la repousse de l'herbe que l'on estimait irrémédiablement disparue. Grâce à ces trois raisons, les abattages d'animaux sont limités. La production laitière, qui avait baissé de 10 à 15 % pendant l'été, se rétablit à l'automne.

Fin août, le gouvernement prend, sous la pression syndicale, les premières mesures d'aides d'urgence. Elles coûtent 2,2 milliards de F. Ce sont, d'une part, des subventions calculées par animal et dont l'importance varie selon les régions en fonction de l'intensité de la sécheresse et, d'autre part, l'allongement de 4 à 7 ans des prêts-calamités ainsi que la prise en charge par l'État des intérêts 1976 des prêts jeunes agriculteurs dans les zones les plus atteintes.

Une bataille de chiffres sur le coût de la sécheresse se développe entre les organisations professionnelles et les pouvoirs publics. Les premières avancent une perte allant de 8 à 15 milliards (l'une d'elles parle même de 34), alors que les seconds évaluent la fourchette entre 3,5 et 7 milliards. En définitive, le gouvernement décide que l'aide totale sera de 6 milliards et qu'elle sera financée par l'impôt direct.

C'est une levée de boucliers dans les syndicats, à commencer par la CGC. Une polémique se développe entre salariés et agriculteurs à propos de cet impôt-sécheresse. Fin septembre, le président de la FNSEA, Michel Debatisse, met en garde le gouvernement : attention au jour où les agriculteurs, choqués et meurtris par le procès national qui leur est fait, auront à voter.

Les GIR

Quelques jours auparavant, un accord a été signé entre le syndicalisme agricole et la CGC, qui s'entendent pour défendre et promouvoir une société de l'effort et de l'esprit d'entreprise. En octobre 1976, Michel Debatisse révèle que des contacts sont pris entre les responsables agricoles et ceux des classes moyennes pour peser dans le débat politique. En janvier 1977, annonce de la création des GIR (Groupes initiative et responsabilité) avec les présidents de la FNSEA, de la CGC, des classes moyennes, des chambres de métiers et des syndicats médicaux. En février, l'ancien Premier ministre, Jacques Chirac, encourage le président de la FNSEA à poursuivre dans cette voie.

« Bibine »

La lenteur de la distribution des aides provoque quelques manifestations dans le Sud-Ouest et l'Est. Certaines illustrent la tension grandissante qui est soulevée par le problème foncier. D'autres ont pour thème, dans la vallée du Rhône en août, l'importation de pêches italiennes accusée de l'effondrement des cours et des destructions d'excédents. Mais l'impôt-sécheresse a un effet démobilisateur sur les troupes du syndicalisme. D'autant que l'impôt exceptionnel touche, également, quelque 29 000 agriculteurs.

Les viticulteurs sont les seuls à rester combatifs. Christian Bonnet fait une déclaration fracassante, en condamnant les producteurs de « bibine » qui obtiennent 200 hl à l'ha : « qu'ils crèvent » dit-il, estimant qu'il est nécessaire de créer un choc afin de mettre en place une politique de plus en plus sélective destinée à promouvoir la production de vins de qualité.

La crise viticole

Les très vives réactions des viticulteurs du Midi, dont pourtant 30 % de la production ne sont pas, selon les pouvoirs publics, consommables en l'état, n'empêchent pas le gouvernement d'adopter un plan de restructuration du vignoble. Il porte sur 35 000 ha au cours du VIIe Plan et doit atteindre 80 000 ha d'ici à 1985. Il comporte plusieurs dispositions destinées à améliorer la qualité des vins et à reconvertir volontairement 2 000 ha par an du vignoble, pendant le VIIe Plan, vers d'autres cultures.