Automobile

Le moteur Diesel prend la vedette au Salon

Il fut bien étrange, ce Salon 1976 de l'automobile. Non seulement parce que l'afflux des visiteurs correspondait à l'apothéose de la voiture, battant tous ses records de vente cette année-là, malgré la crise de l'énergie et la flambée du prix de l'essence. Mais surtout parce que les deux vedettes incontestées, la LN Citroën et la Volkswagen Golf diesel, surprenaient tous ceux qui n'avaient pas encore compris que, pour l'automobile aussi, les temps avaient changé.

La LN

L'étonnant, dans cette petite voiture présentée par Citroën, c'était que, précisément, elle ne révélait rien d'étonnant. À chaque Salon, la vieille dame du quai de Javel avait habitué ses supporters à de téméraires inventions ou à de séduisants gadgets. De la traction avant en 1934 à la suspension hydropneumatique de la DS en 1955, en passant par l'essuie-glace unique de la CX en 1975, les fidèles de la firme aux deux chevrons n'étaient jamais déçus. Et voilà que, en 1976, Citroën l'audacieuse, Citroën l'originale, fière de ses bureaux d'études et de ses centaines de chercheurs, sort ce véhicule tout à la fois timide et raisonnable, fruit de ses nouvelles amours avec l'austère et bourgeoise Peugeot ; un moteur de 2 CV dans une caisse de 104, et voilà le tour joué : une petite cylindrée économique en ces temps d'essence chère et qui tombe à point pour réconforter le réseau de concessionnaires, avides de disposer d'une nouvelle arme dans le bas de gamme.

Les spécialistes, bien sûr, accueillirent cette nouveauté hétéroclite avec la plus grande ironie. Mais le public, lui, ne réagit pas de la même manière que les experts. L'accueil très favorable réservé à la LN par une clientèle plus sensible aux charmes discrets d'une auto bien sage qu'aux élans révolutionnaires d'une époque révolue a représenté l'un des événements marquants du Salon. Ce ne fut pas le seul.

Diesel

Un autre nouveau modèle, peu séduisant en apparence, dissimulait, sous sa robe grise, un moteur miracle : le diesel. Jusqu'alors voué presque exclusivement au transport utilitaire sur les camions, cars ou taxis, le diesel était utilisé par un petit nombre de particuliers, grands dévoreurs de kilomètres. Pourtant, ce moteur est particulièrement économique : il consomme moins de carburant, et ce carburant, le gasoil, coûte, par litre, 91 centimes de moins que le super. En revanche, les voitures équipées d'un diesel sont plus chères à l'achat que les modèles à moteur classique ; par ailleurs, la presque totalité des modèles présentés sur le marché étaient des moyennes ou des fortes cylindrées.

Avec la Golf diesel, tout a changé. Parce que, pour la première fois, Volkswagen a réussi à concevoir un petit véhicule équipé d'un moteur Diesel et dont « le prix, constate le spécialiste Jean-Paul Thévenet, n'est guère supérieur à celui du modèle courant, alors que ses performances sont identiques ». La démonstration, bien sûr, bénéficie d'abord à la grande firme allemande. Mais, profitant de sa percée et s'appuyant sur les nouvelles hausses du prix de l'essence, tous les autres grands constructeurs enregistrèrent un afflux de commandes sur leurs voitures particulières équipées d'un diesel. 23 % des commandes de 504 Peugeot, 39 % des Citroën CX et plus de la moitié des Mercedes étaient enregistrées pour des diesels, au cours des trois mois qui suivirent le Salon.

Ainsi, après près d'un siècle de monopole quasi absolu, le moteur à essence doit, sous la pression des événements et de la remise en cause du dieu pétrole, marquer un certain recul. Un événement dont, en cette fin de 1976, les experts ne se risquaient pas encore à évaluer toutes les conséquences. Car si, il y a quelques années, quelques milliers seulement de voitures à moteur Diesel étaient vendues en France, plus de 75 000 auront été immatriculées en France en 1976. Tandis que, cette année-là, l'augmentation de la consommation de gas-oil atteignait 9,2 %.

La mini revient à la mode

Si la Citroën LN et la Golf/diesel ont été les vedettes incontestées du Salon, d'autres nouveaux modèles ont cependant présenté un intérêt certain. Ainsi, la Ford Fiesta est la première petite voiture produite par le grand constructeur américain dans la foulée des constructeurs européens : c'est une petite cylindrée, 5 ou 6 CV (950 cm3 ou 1 103 cm3), à traction avant et hayon arrière, à l'exemple de la Renault 5 ou de la Golf. Elle confirme bien la vogue des mini et l'élargissement d'un marché qui représente environ un quart de la demande. À l'opposé, la nouvelle Audi 100 (9, 10 ou 11 CV) vient chasser sur les terres des voitures plus luxueuses produites par Mercedes, BMW et, depuis peu, par Renault et Peugeot. Tandis que l'Alpine Renault A 310 V I offre, avec le moteur de la Renault 30 TS, une vitesse de pointe de 222 km/h, bien inattendue en ces temps de limitation. Entre ces extrêmes, la voiture moyenne, la voiture de Monsieur Tout le monde, était présente au Salon : la Renault 14 est une grosse Renault 5 dont le moteur — transversal — est le fruit de l'association avec Peugeot (il équipait déjà la 104). Avec cette voiture, qui a reçu le grand prix 1976 de l'Institut français de l'esthétique industrielle, la Régie rappelle que, dans le domaine de l'automobile aussi, il faut toujours viser au centre.

Ralentissement des hausses

Avec deux augmentations (2 % le 28 février, 3,5 % prévus au cours du second semestre), les prix des automobiles françaises n'augmenteront que de 5,5 % en 1977. Il s'agit donc d'un très net ralentissement, puisque la hausse avait atteint 10,7 % en 1976, 15,6 % en 1975 et 19,6 % en 1974. Simultanément, les grands constructeurs garantissent désormais, durant trois mois, le prix de vente de leurs véhicules au tarif en vigueur à la date de la commande. Après Chrysler-France, qui lança en décembre 1976 le mouvement (avec seulement 2 mois de garantie), Renault, Citroën et Peugeot ont, au début de 1977, accordé les mêmes avantages à leurs clients : à défaut de livraison dans le délai prévu, l'acheteur peut résilier sa commande et récupérer l'acompte versé, s'il n'entend pas supporter une hausse de tarif intervenue entre-temps. Ces modifications importantes des contrats de vente ont été effectuées à la suite de négociations menées par le secrétariat d'État à la Consommation.

Nouveautés françaises

Citroën LN. Berline : 4 places, 3 portes, 602 cm3, traction AV, 3 CV, 32 ch (DIN) à 5 750 tr/mn. Freins à disque AV, tambour AR, 120 km/h, Prix ; 17 500 F.