Telles étaient, au printemps 1975, les principales conclusions tirées par les responsables politiques et les aménageurs, au vu des premiers résultats du recensement 1968-75. Les motifs de satisfaction — freinage de la région parisienne, dynamisme nouveau des régions de l'Ouest et du littoral — étaient contrebalancés par de nouvelles inquiétudes au nord, à l'est, comme sur tout ce ventre mou de la France, où, dans 16 départements, la population a diminué et où parfois, dans les villages et les campagnes désertés, la vie se retire lentement.

Là se situent les dangers les plus graves pour une unité nationale, finalement beaucoup plus menacée par les distorsions économiques et démographiques que par les revendications régionalistes.

Les 22 régions : bilans et promesses

Documents de base établis dans le cadre de la préparation du VIIe Plan, les rapports d'orientation générale ont été présentés par les préfets de région, fin 1975 et début 1976, devant les assemblées constituant l'établissement public régional : conseil régional et comité économique et social. Ils permettent tout à la fois de dresser un constat de la situation des régions et de dégager leurs perspectives de développement à moyen terme. C'est pourquoi le Journal de l'année a effectué une synthèse de ces différents rapports, qui donnent une image assez précise des 22 provinces françaises en 1975-1976, tout en mettant en valeur, dans chaque cas, les peints les plus importants pour l'avenir de la région. Les données des tableaux sont extraites de Statistiques et indicateurs des régions françaises et Structure des salaires dans l'industrie ; INSEE 1972. Les chiffres entre parenthèses indiquent les années de référence.

Nord-Pas-de-Calais

Intensifier l'effort de reconversion

Le bouleversement de certaines structures socioéconomiques a nécessité, dans le Nord-Pas-de-Calais plus que partout ailleurs, un important mais difficile effort de conversion. Et cet effort a dû se porter en priorité sur deux secteurs menacés, celui du monde rural et celui du bassin minier.

La conversion du monde rural

La population active agricole comptait 169 000 personnes en 1954, 106 000 en 1968 et 90 000 seulement en 1974. Cette régression rapide est « un indice de l'évolution d'un monde qui ne dispose pas de tous les moyens d'organiser son avenir [...]. L'enjeu, c'est le maintien de la population rurale au-dessus de certains seuils, soit pour éviter l'effondrement et l'abandon, soit pour résister à la submersion d'une croissance urbaine anarchique trop forte ». Pour enrayer « une tendance, lourde, mécanique », l'exode agricole, réputé inéluctable, les experts peuvent s'appuyer sur une contre-tendance, encore fragile, et qui repose sur la redécouverte des aspects positifs de certains modes de vie et de travail, échappant à la concentration urbaine et économique.

La stratégie régionale vise donc à favoriser l'éclosion d'un nouveau type de relations entre monde urbain et monde rural. Elle pourrait comporter trois volets :
– favoriser une politique d'équipement valorisant les atouts du milieu rural et assurant une complémentarité de fait avec ceux du milieu urbain ;
– rechercher une prise en charge rapide de cette stratégie par les intéressés, « sinon elle n'aurait aucune chance de se développer » ;
– s'efforcer, sur un territoire donné, d'engager des actions articulées entre elles.

Pour atteindre ces objectifs, un certain nombre de moyens sont envisagés. Par exemple : orienter délibérément les petites entreprises vers quelques pôles d'industrialisation en milieu rural ; implanter des classes vertes, des maisons de retraite et de convalescence ; développer « l'accessibilité » par la promotion des transports collectifs et du téléphone ; favoriser le logement social locatif en petites unités ; développer le tourisme et la protection de l'environnement ; accélérer le remembrement, protéger les zones agricoles proches des villes, défendre l'élevage et les cultures spécialisées.

La conversion du bassin minier

145 000 en 1954, 83 000 en 1968, 47 000 en 1974, et, sans doute, moins de 8 500 en 1985 : telle est la chute des effectifs employés par les Houillères. Résultat : le bassin minier perd sa population. La zone de Lens, notamment, accuse une forte diminution (– 4,1 % de 1968 à 1975), malgré un excédent naturel important. De même, Douai et Valenciennes révèlent une forte aggravation de leur déficit migratoire.