Pour les experts de l'aménagement du territoire, « cette évolution traduit sans doute chez les larges couches de la population une attitude de refus de la grande ville, qui a perdu son caractère de lieu mythique où le travail, la richesse, la consommation, l'épanouissement culturel pouvaient sembler accessibles à tous ». Et, ils le constatent, cette « remise en cause de la pratique urbaine et du mode de vie qui l'accompagnait est observée depuis plus d'une décennie en Allemagne fédérale, en Angleterre et aux États-Unis ».

En se produisant aujourd'hui en France, elle suscite des mouvements parfois spectaculaires. Ainsi l'abandon des centres-villes et le gonflement des banlieues par les plus défavorisés et les jeunes ne touchent pas seulement Paris, mais la plupart des grandes cités. Si l'on va plus loin dans l'observation, on peut formuler les constatations suivantes :
– les sept métropoles d'équilibre, ces anciens bastions du développement urbain, ont toutes un faible rythme de croissance. La première, Toulouse, se classe au 20e rang des 87 villes de France de plus de 50 000 habitants avec une croissance de 12,6 % entre 1968 et 1975 ; Nantes est au 38e rang (10 %), Lyon au 49e (7,3 %), Bordeaux au 57e (6,5 %), Strasbourg au 60e (6,2 %), Lille au 61e (5,3 %) et Marseille au 67e rang (4,2 %) ;
– les sept villes qui ont vu leur population diminuer sont toutes des villes minières du Nord et de l'Est : Bruay-en-Artois, Lens, Forbach, Longwy, Hagondange, Douai, Denain ;
– le dépeuplement du centre des villes constitue un phénomène général dont les points extrêmes se trouvent à Nancy (– 3 % par an), Bordeaux (– 2,9 %), Rouen et Montluçon (– 1,7 %), Annecy et Châlons-sur-Marne (– 1,4 %) et Nantes (– 1,3 %) ;
– enfin, les villes qui grandissent le plus vite sont :
 les villes les plus proches de la haute montagne et de la neige (Annecy, Grenoble, Chambéry) ;
les villes du soleil et de la mer (Aix-en-Provence, Grasse, Montpellier) ;
les villes de la couronne du Bassin parisien (Orléans, Chartres, Caen, Reims, Tours).

Nouvelles données

Tous ces éléments — évolution des régions et expansion urbaine, vues à travers le filtre de l'analyse démographique — ont permis de dégager cinq faits essentiels pour la politique d'aménagement du territoire :
– il n'existe plus de région parisienne correspondant aux strictes limites administratives. Alors que Paris intra-muros se vide, les départements de la grande couronne connaissent une croissance explosive et, surtout, dans un rayon de 100 km autour de la capitale, se développe de manière concentrique une importante zone industrielle et urbaine. C'est, si l'on veut, la vieille idée du « boulevard Saint-Michel s'étendant jusqu'à la mer » qui devient réalité ;
– cette explosion de la région parisienne profite d'abord à l'ouest du pays. Par deux couloirs, l'urbanisation s'étire au long de deux grands axes de communication : le premier suit la voie Le Mans-Laval-Rennes ; le second descend par la vallée de la Loire jusqu'à la métropole d'équilibre Nantes-Saint-Nazaire.
En réalité, notent encore les responsables de la DATAR et du Plan, c'est tout l'Ouest qui connaît une dynamique favorable, fondée sur une industrialisation récente et encore fragile. Au reste, des poches de récession subsistent dans l'Orne et le Cotentin, dans la Bretagne profonde, celle de l'intérieur, comme en Poitou-Charentes. « En clair, les structures d'activité implantées dans l'Ouest ont permis non seulement d'endiguer l'exode, mais de renverser la tendance des quinze années précédentes. Il reste que l'effort réalisé n'a pas encore permis à ces régions d'accéder au niveau national moyen, sauf pour les Pays-de-la-Loire » ;
– toutes les façades maritimes (à l'exception du Cotentin et de l'Aude) connaissent une dynamique démographique favorable. Pour la façade atlantique, notamment, il s'agit là d'une donnée nouvelle et d'une amélioration très sensible ;
– le phénomène le plus frappant du recensement est sans doute la découverte d'une faille qui coupe la France en deux sous une forme nouvelle : non plus de Caen à Marseille, comme on y était habitué, mais de Tarbes-Carcassonne (à l'exception de Toulouse) jusqu'à la frontière des Ardennes et de la Meuse, en passant par l'importante zone de dépeuplement et de sous-développement du Massif central et des plateaux bourguignons ;
– enfin, l'évolution de la structure urbaine confirme tout d'abord l'attractivité croissante des villes moyennes et petites. Mais elle révèle aussi le renforcement de constellations urbaines ou de vastes couloirs urbains. Ainsi les villes du Sillon alpin (Annecy-Chambéry-Grenoble), les villes de la Loire moyenne (Orléans-Blois-Amboise-Tours) ou l'axe Poitiers-Chatellerault.