Un groupe de 9 fonctionnaires, présidé par Pierre Delmon, avait été chargé par le gouvernement de proposer des réformes permettant d'assurer une meilleure participation des citoyens à la défense du cadre de vie. Dans son rapport terminé en janvier 1976, ce groupe propose 45 mesures qui visent à renforcer le rôle des associations « pour défendre les intérêts des citoyens en tant qu'usagers, consommateurs, habitants ». Le gouvernement retient 12 de ces propositions ; certaines donnent satisfaction à des revendications présentées depuis longtemps par les associations de défense de la nature et du cadre de vie.

Le Parlement, à la fin d'avril 1976, adopte plusieurs projets de loi pour perfectionner les moyens juridiques de lutte contre la pollution et de protection de la nature. Une étude publique d'impact sera désormais obligatoire avant la réalisation de tout grand projet (centrale nucléaire, complexe industriel, autoroute, barrage, ligne à haute tension), afin d'en évaluer les conséquences sur le milieu naturel et le paysage.

Nuisances

Les autorités se sont décidées, cette année, à sévir contre les responsables de nuisances restés sourds aux mises en demeure. En octobre, le ministre de la Qualité de la vie a autorisé les préfets qui en avaient fait la demande à fermer provisoirement 8 usines ou ateliers pour cause de nuisance, jusqu'à ce que ces entreprises aient fait installer des dispositifs antipolluants.

Les tribunaux commencent à être saisis d'affaires concernant des atteintes au cadre de vie. Plusieurs P-DG d'entreprises industrielles ont été condamnés à de lourdes peines d'amendes. L'un d'eux, dans le Val-d'Oise, s'est même vu infliger quinze jours de prison ferme : pour rejets de détergents qui ont, à plusieurs reprises, détruit la faune et la flore de l'Aubette, un sous-affluent de la Seine.

Le ministère de la Qualité de la vie a inauguré une politique de contrats avec des entreprises qui fixent le calendrier des travaux à réaliser dans les usines polluantes. Le premier contrat est signé le 23 juillet 1975 avec Pechiney-Ugine-Kuhlmann.

Au milieu de 1975, le commandant Cousteau lance un nouveau cri d'alarme pour souligner la gravité des dommages causés à l'océan. Les dernières observations dans le Pacifique, en Micronésie, en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Fidji, zones pourtant éloignées des terres peuplées et industrialisées, sont « effarantes ».

L'inquiétude des spécialistes gagne de plus en plus les responsables politiques du monde entier. Les conférences internationales sur les divers aspects de l'environnement marin se multiplient. Malheureusement ces rencontres ne sont pas toujours efficaces.

Marées noires

Les efforts pour prévenir les risques de marée noire se révèlent souvent vains. Des centaines de navires rejettent chaque jour de manière illicite des hydrocarbures dans toutes les mers du globe : ce sont des pétroliers qui dégazent, mais aussi des cargos qui nettoient leurs soutes à carburants ou se débarrassent de leurs huiles de vidange. Une opération de surveillance aérienne est effectuée par les autorités françaises au large du Cotentin : elle permet de prendre, en vingt-cinq heures de vol, 7 navires en flagrant délit. On recherche les moyens d'abaisser le coût de ces opérations de surveillance pour les rendre permanentes.

Les risques de voir des pétroliers accidentés perdre tout ou partie de leur cargaison sont encore plus graves. Plusieurs accidents ont eu lieu cette année. En novembre 1975, à la suite d'une collision, 2 000 à 3 000 t de pétrole se répandent en mer du Nord et le long des côtes anglaises. En mars 1976, 1 200 t de combustible s'écoulent du pétrolier Olympic Bravery, échoué depuis le 24 janvier sur les récifs d'Ouessant. Les habitants de l'île dénoncent l'imprévoyance et l'inefficacité des autorités dans cette affaire.

En mai, le naufrage de Urquiola, échoué à l'entrée du port espagnol de La Corogne, tourne à la catastrophe. Le navire contenait 118 000 t de pétrole brut, presque exactement le même tonnage que le Torrey Canyon (Journal de l'année 1966-67). Des écologistes affirment que les détergents employés pour lutter contre les hydrocarbures ont des effets encore plus dommageables sur l'environnement marin.

Les coquillages en question

Des estivants, en juillet-août 1975, sont intoxiqués par des coquillages qu'ils avaient eux-mêmes ramassés sur les côtes languedocienne et normande, où des cas d'hépatite virale sont attribués à des moules polluées. En janvier 1976, deux chercheurs de Poitiers, les professeurs Brisou et Denis, affirment que 3 % des huîtres qu'ils ont étudiées pendant deux ans et qui provenaient du bassin de Marennes-Oléron contiennent des entérovirus. Réaction indignée des ostréiculteurs déjà victimes de la crise économique. Les professionnels soulignent que leurs produits sont soumis au contrôle sanitaire de l'Institut scientifique et technique des pêches maritimes. Mais le débat prend rapidement un tour passionné, peu propice à l'objectivité scientifique.

Seine

Les marins-pêcheurs de la baie de la Seine organisent, l'été 1975, des manifestations spectaculaires pour dénoncer la pollution à proximité des côtes normandes. Ils se plaignent de la raréfaction de la faune marine dans cette zone, où ils pèchent fréquemment, disent-ils, des poissons nécrosés. Plusieurs d'entre eux sont victimes d'une mystérieuse maladie de peau autrefois inconnue, qu'ils attribuent à des substances chimiques concentrées dans des algues.