Les grands accélérateurs utilisés jusqu'ici servent à bombarder les noyaux atomiques d'une cible avec des particules simples, protons ou électrons. Dans GANIL, la cible sera bombardée avec des noyaux accélérés à des énergies suffisantes pour produire leur fusion partielle ou complète avec les noyaux de la cible.

Ions lourds

Pour être accélérés dans un champ électromagnétique, les noyaux doivent être ionisés, c'est-à-dire débarrassés de leur couronne d'électrons. C'est pourquoi ce nouveau domaine d'études constitue la physique nucléaire avec des faisceaux d'ions lourds.

Les faisceaux lourds permettent d'accéder à des états du noyau différents de ceux qu'on a étudiés jusqu'ici. On peut, par exemple, créer des noyaux qu'on appelle exotiques, isotopes artificiels nouveaux d'éléments déjà connus de la table de Mendeleïev, mais situés très loin de la région de stabilité nucléaire. La théorie prédit la possibilité de près de 5 000 noyaux de cette espèce. Les accélérateurs à ions lourds doivent aussi produire de nouveaux éléments transuraniens de masses très supérieures à ceux qu'on a pu créer jusqu'à présent.

Dans cette branche récente de la physique des hautes énergies, la France a joué un rôle de pionnier avec les accélérateurs Alice et le Van de Graaf Tandem d'Orsay. Mais leurs performances sont insuffisantes pour couvrir les domaines que visent à présent les physiciens : ils veulent disposer de faisceaux d'ions accélérés de tous les corps, depuis le carbone jusqu'à l'uranium, avec des énergies de plusieurs millions d'électrons-volts par nucléon du noyau projectile.

GANIL sera un système à deux étages d'accélération. Le premier est un cyclotron, c'est-à-dire un accélérateur dans lequel les particules sont guidées par un champ magnétique et accélérées par un champ électrique le long d'orbites quasi circulaires de rayon croissant. À la sortie de ce premier accélérateur, les ions passent à travers une cible matérielle où ils perdent leurs derniers électrons périphériques, ce qui augmente leur charge positive et permet leur accélération, jusqu'à l'énergie finale, dans un second cyclotron identique au premier.

Coopération

Ce système a été étudié en tenant compte des deux autres accélérateurs européens à ions lourds en cours de construction, afin que leurs caractéristiques et leurs programmes de recherches soient complémentaires. Pour les ions légers. GANIL donnera plus d'énergie que l'accélérateur linéaire de Darmstadt en Allemagne, et il permettra d'accélérer des ions plus lourds que ceux de la machine projetée à Daresbury en Grande-Bretagne. Aux États-Unis, un projet est en cours de réalisation à Oakridge. Une collaboration franco-américaine pour des études d'aimant a été établie avec ce laboratoire.

Énergie de fusion : l'espoir renaît

La maîtrise de l'énergie de fusion des noyaux légers (énergie thermonucléaire) ressemble aux mirages du désert : tantôt on la croit proche, tantôt elle s'évanouit à l'horizon (Journal de l'année 1973-74). Après une période de découragement, l'espérance, cette année, renaît. Elle est liée à l'amélioration des performances réalisées grâce aux machines du type Tokamak, dans lesquelles le plasma d'hydrogène lourd et superlourd (deutérium et tritium) est confiné dans un champ magnétique refermé sur lui-même, en forme de tore. L'expérience a prouvé que c'est cette configuration qui donne la meilleure stabilité au plasma et le moins de fuites d'énergie.

Plasma

Pour déclencher une réaction de fusion auto-entretenue, il faut, à la fois, réaliser un plasma très dense et le maintenir confiné le plus longtemps possible à une température de l'ordre de 80 à 100 millions de degrés.

Les physiciens de l'institut Kourtchatov, à Moscou, où fut inventé le principe du Tokamak, annoncent, au début de l'été 1975, l'achèvement de leur Tokamak-10, dont les paramètres dépassent tout ce qui a été atteint jusqu'alors : la chambre à plasma a 0,35 m de rayon et le courant qui la traverse pour chauffer le plasma a une intensité de 1 million d'ampères. (Le Tokamak français de Fontenay-aux-Roses, qui figure dans le peloton de tête par ses performances, dispose d'un courant de 400 000 A).