Le 82e anniversaire de l'empereur Hailé Sélassié est célébré le 23 juillet dans une atmosphère de fin de règne. Les uns après les autres, chambellans, secrétaires privés, trésoriers, camériers de la Couronne s'entassent dans les prisons.

Le 6 août, la commission créée pour mettre au point une réforme constitutionnelle rend public un projet qui dépossède le roi des rois de la quasi-totalité de ses pouvoirs. Dix jours plus tard, les militaires prononcent la dissolution du Conseil de la Couronne, supprime l'état-major particulier de l'empereur, la cour spéciale chargée de la recevabilité des cas à juger par le souverain. Hailé Sélassié semble se résigner à ne conserver qu'un rôle figuratif ; l'armée hésite toujours à le renverser. Mais, le 25 août, une violente campagne radiophonique est déclenchée contre l'empereur, tenu pour responsable des malheurs du peuple ; cette initiative est appuyée par les étudiants, qui exigent, dès le 2 septembre, la destitution du souverain.

Tragédies

Après avoir déposé l'empereur, la junte demande vainement à son fils, en convalescence en Suisse, le prince Asfa Wossen, de devenir monarque constitutionnel. Pendant les quelques jours qui ont précédé cette décision, les dirigeants militaires avaient tenté, également sans succès, de contraindre le souverain à rapatrier la fortune dont il dispose, affirme-t-on, à l'étranger.

Le Comité de coordination des forces armées assure, à titre provisoire, les fonctions du chef de l'État et enregistre le ralliement de nombreux notables provinciaux. Lycéens, étudiants et syndicalistes réclament le retour à un régime civil. L'armée arrête deux responsables syndicaux et contraint la Confédération des syndicats éthiopiens à rapporter un ordre de grève lancé pour le 23 septembre. Cinq jours plus tard, le général Aman Andom renonce à ses fonctions de chef de l'état-major ; de graves divergences éclatent parmi les dirigeants de la junte. Des incidents entre militaires font même cinq morts, le 7 octobre.

Le général Aman Andom est démis de ses fonctions le 23 novembre. Accusé de dictature par ses collègues, incarcéré à la prison centrale d'Addis-Abeba, il est passé par les armes sans jugement, avec une soixantaine d'autres personnalités, parmi lesquelles les anciens Premiers ministres, Aklilou Habte-Wold et Endalkatchew Makonnen, l'amiral Iskander Desta et plusieurs anciens ministres. La révolution tranquille s'achève dans un bain de sang. On se perd en pronostics sur le sort que les nouveaux maîtres de l'Éthiopie entendent réserver à l'ancien empereur et aux 150 personnes retenues prisonnières dans les caves du palais impérial.

Le 27 novembre, le général Teferi Benti, réputé modéré, est nommé président du Conseil militaire provisoire. Sa nomination n'exclut pas tout risque de guerre civile. Deux attentats à la bombe attribués à des partisans du souverain déchu font de nombreuses victimes à Addis-Abeba, le 2 décembre. En représailles, la junte, qui multiplie les arrestations, commence le procès des anciens dignitaires, sans préciser leur nom ni leur nombre. Il est même question de traduire l'ancien empereur en justice « si le peuple en exprime le souhait ».

Socialisme

Le Conseil militaire provisoire, le 20 décembre, rend public un programme en dix points :
– l'Éthiopie doit rester un pays uni, sans aucune différence ethnique, religieuse, linguistique ou culturelle ;
– une Communauté économique, culturelle et sociale doit être organisée avec le Kenya, la Somalie et le Soudan ;
– le mot d'ordre de la révolution Ethiopie Tekdem (Éthiopie d'abord) est fondé sur un socialisme spécifiquement éthiopien ;
– chaque administration régionale, chaque village devra gérer ses propres ressources et se suffire à lui-même ;
– un grand parti politique animé par la philosophie révolutionnaire d'Ethiopia Tekdem sera constitué sur une base nationaliste et socialiste ;
– toute l'économie sera entre les mains de l'État. Tous les biens appartiennent de droit au peuple. Seules quelques affaires resteront privées, si elles sont jugées d'utilité publique ;
– le droit de propriété terrienne sera accordé uniquement à ceux qui travaillent la terre ;
– l'industrie sera gérée par l'État ; quelques entreprises privées jugées d'utilité publique seront maintenues jusqu'à ce que l'État juge préférable de les nationaliser ;
– la famille, base fondamentale de la société éthiopienne, sera protégée de toutes les influences, vices et tares venus de l'étranger ;
– la politique étrangère sera, pour l'essentiel, maintenue. Toutefois, le nouveau régime s'efforcera de développer les relations de bon voisinage avec tous ses voisins.

Nationalisations

En janvier 1975, la junte nationalise les banques et les assurances. La Confédération des travailleurs éthiopiens, longtemps réticente à l'égard des officiers mutins, décide alors de leur apporter un soutien actif. En février, une soixantaine d'entreprises commerciales et industrielles sont à leur tour nationalisées, et, le 18 du même mois, le major Mengisty Hailé Mariam, homme fort du nouveau régime, s'adresse pour la première fois au peuple et proclame : « Nous sommes pour une seule Éthiopie, une Éthiopie socialiste. »