Elle arrivait généralement à convaincre son interlocuteur de l'urgence qu'il y avait à envoyer là-bas des médicaments. Le médecin acceptait alors de rédiger une ordonnance (parfois plusieurs) où figuraient, à la demande de Mme Vo Cong Tri, experte en pharmacopée, des médicaments très coûteux, mais aussi de l'alcool à 90°, un thermomètre et de l'aspirine.

On en arrivait alors à la deuxième opération, la visite au pharmacien : « J'ai déjà les médicaments prescrits en tête de l'ordonnance, déclarait Mme Vo Cong Tri avec son plus charmant sourire, je n'ai besoin que du thermomètre. » Le pharmacien, confiant, tamponnait la feuille de maladie et l'ordonnance, et le tour était presque joué.

Il ne restait plus, en effet, qu'à coller sur les feuilles de la Sécurité sociale de fausses vignettes, en l'occurrence de simples photocopies de vignettes prélevées sur les médicaments coûteux achetés une fois pour toutes, six mois plus tôt.

Dernier acte

C'est à la Caisse régionale de la Sécurité sociale de Marseille que se jouait le dernier acte. Grâce aux papiers d'identité prêtés contre un peu d'argent par les membres les moins fortunés de la colonie vietnamienne de Marseille, Mme Vo Cong Tri pouvait alors se présenter au guichet de remboursement. Les préposés, qui traitent quelque 25 000 dossiers par jour, payaient sans broncher.

Le système fonctionnait à merveille depuis plusieurs mois, et Mme Vo Cong Tri avait ainsi gagné, avec ses complices, plusieurs centaines de milliers de francs lorsque survint un contrôle de routine. Un employé, remarquant l'épaisseur anormale des vignettes, les regarda de plus près et découvrit le pot aux roses. Les faussaires n'attachent jamais assez d'importance aux matériaux qu'ils utilisent...

L'appareil de justice s'est mis en route. Mme Vo Cong Tri, Fernand Guyon, des médecins et de nombreux Cochinchinois de Marseille sont impliqués dans cette affaire que 16 inspecteurs vont s'efforcer de débrouiller.

L'express Caen-Rennes déraille

À l'entrée de la gare de Dol-de-Bretagne, le dimanche 4 août au soir, l'express Caen-Rennes déraille. Les secours s'organisent très vite. Une grue de 45 tonnes, amenée sur les lieux en un temps record, permet de dégager les victimes, coincés sous les wagons couchés sur le ballast : 9 morts et une trentaine de blessés dont un décédera peu après. À l'origine de l'accident, probablement un excès de vitesse. Mais ce dernier est-il imputable au conducteur du train (mort dans le déraillement) ou à une défaillance de la machine ? L'enquête judiciaire dont a été chargé le juge d'instruction de Saint-Malo devrait le préciser.

La révolte des prostituées

Elle débute le 2 juin à Lyon. Ce matin-là, une soixantaine de dames de petite vertu envahissent l'église Saint-Nizier et s'y retranchent.

Pourquoi ce geste spectaculaire? Pour protester, affirment-elles, contre les brimades de la police, les amendes et môme les peines de prison qui leur sont infligées régulièrement alors qu'elles ne font qu'exercer un métier autorisé par la loi.

Les prostituées écrivent au président de la République pour lui demander d'intervenir, à Mgr Renard, archevêque de Lyon, dont elles sollicitent l'autorisation de se réfugier dans l'église, à Françoise Giroud, enfin, pour obtenir audience. Le secrétaire d'État à la Condition féminine se récuse alléguant que les faits dont se plaignent les prostituées (des exactions policières) sont du ressort de Michel Poniatowski.

Pour sa part, le Père Béal, curé de Saint-Nizier, est vite dépassé par les événements. D'autant plus que la troupe lyonnaise a reçu des renforts de Saint-Étienne, de Valence et même de Marseille. Le 6 juin, elles sont 160 qui bivouaquent gaillardement à Saint-Nizier, recevant les journalistes, écoutant la radio, tartinant leurs sandwiches et dormant dans des sacs de couchage.

Ulla, que sa participation aux Dossiers de l'écran a rendue presque célèbre, est leur porte-parole ; au maire de Lyon et au cardinal Renard, elle expose les doléances de ses camarades. Mais il ne suffit pas que la libéralisation des mœurs ait amené le public à considérer le problème de la prostitution avec plus de compréhension pour que des solutions soient immédiatement envisageables. En fait, la situation commence à émouvoir les pouvoirs publics : les occupations d'églises se multiplient à travers la France et, le 7 juin, le mouvement gagne Paris, puis Marseille, Nice, Saint-Étienne, etc.