Alors, tout va aller très vite ; dans la nuit, l'assaut de La Fumade est décidé. À minuit, douze gendarmes parachutistes arrivés en renfort font sauter une porte avec des explosifs. Anna se rend sans résister ; Marie-Agnès, est maîtrisée, mais Jean-Louis réfugié dans une mansarde, tire. Les gendarmes rispostent. Atteint de trois balles à l'abdomen, le jeune homme s'effondre. Avec sa mort, survenue quelques heures plus tard à l'hôpital se termine le premier acte du drame.

Le second commence avec l'internement des deux femmes à l'hôpital psychiatrique de Montauban. Les conclusions des trois experts médicaux commis par le juge peuvent se résumer en deux mots : Madame Portal et sa fille sont « irresponsables et dangereuses ». Les avocats demandent aussitôt une contre-expertise. Un « comité de soutien aux Portal » est constitué. La presse se déchaîne ; le public s'émeut.

Finalement, une décision est prise qui apparaîtra comme une mesure d'apaisement : une commission d'enquête spéciale va réexaminer l'ensemble des diverses procédures de l'affaire Portal tandis qu'à la demande de Jean Lecanuet, garde des Sceaux, madame Portal et sa fille sont remises en liberté. Conclusion humaine d'une lamentable histoire qui a démontré, s'il en était encore besoin, l'impuissance des règlements et des lois à dénouer des situations nées, comme l'affaire Portal, du comportement excessif des uns et de l'avidité des autres.

Le scandale de « Monsieur 15 % »

Pour n'avoir pas su se retirer à temps des affaires, Jean Pierotti se voit, en septembre 1974, arrêté sous une quadruple inculpation : abus de confiance, abus de biens sociaux, escroqueries et exercice illégal de la profession de banquier.

Celui qu'on appelait Monsieur 15 %, parce qu'il offrait ce taux d'intérêt aux braves gens qui lui apportaient leurs capitaux, avait pourtant de nombreux atouts : son intelligence, une grande connaissance des transactions immobilières et un sens aigu des relations humaines ; jusqu'à son physique qui inspirait confiance.

À 46 ans, lorsqu'il est inculpé, Jean Pierotti est un notable qui règne sur tout l'immobilier de la Côte, de Toulon à la frontière italienne. Il a pignon sur rue dans les plus beaux quartiers de Toulon, Nice, Grasse, Marseille et même Nancy (oui, il a une antenne jusqu'en Meurthe-et-Moselle !). Légèrement bedonnant, comme il sied à un homme arrivé, fine moustache barrant un visage jovial, calvitie distinguée, l'honorable Jean Pierotti a derrière lui vingt années d'expérience.

Dans les années 50, il est simple employé d'un courtier toulonnais ; mais bientôt il s'établit à son compte, crée une société à responsabilité limitée. Patiemment, secondé par sa femme, utilisant des hommes de paille, il devient l'affairiste puissant qui ne se gênait pas pour déclarer à ses amis : « Il ne peut rien m'arriver : je suis intouchable... »

Sa technique est bien mise au point, certes, mais dangereuse à long terme. L'expérience l'a prouvé.

Officiellement, Pierotti pratique le prêt hypothécaire. C'est d'ailleurs la raison sociale qui figure sur la plaque apposée à la porte de son cabinet. D'abord, il choisit un promoteur et le place à la tête d'une société civile immobilière. Il rassemble ensuite un certain nombre d'épargnants qui vont prêter à la société, pour un intérêt de 15 %, un capital d'environ un million de francs. Pierotti, en sa qualité d'intermédiaire, prélève déjà 2 % au passage. Puis, par un jeu d'écritures, le reste de l'argent est reversé au compte de Pierotti. Enfin la construction de l'immeuble est entreprise. Mais fournisseurs et sous-traitants ne reçoivent l'argent qu'au compte-gouttes. L'immeuble prend tout de même tournure. Alors, brusquement, les versements cessent et la société immobilière se déclare en faillite, sans se soucier des sous-traitants qui, eux, boivent le bouillon.

Il ne reste plus à Pierotti qu'à racheter pour la moitié de sa valeur l'immeuble en cours de construction qu'il a, entre-temps, fait légèrement saccager par des hommes de main pour en diminuer, en apparence, la valeur. Il le fait alors achever en utilisant les matériaux (non payés) qu'il avait dissimulés dans ses entrepôts. Le tour est joué : Monsieur 15 % a encaissé dans l'opération un nombre confortable de millions.